AUTEUR DE L’OUVRAGE « Une société à soigner - Hygiène et salubrité publiques au XIXème siècle », paru en 2010 aux Editions Gallimard (1), le philosophe et historien des sciences Gérard Jorland est revenu, lors des « Tribunes de la santé 2012 » (2) sur l’évolution et l’application du concept d’hygiène publique au XIXème siècle. « Cette idée d’hygiène publique est directement fille de l’esprit des Lumières, a-t-il ainsi expliqué, dans le sens où la philosophie des Lumières indique que chacun, pourvu qu’il se conduise selon sa raison, représente une lumière. » Cette notion d’hygiène publique - et donc de maladie évitable - a été importée d’Angleterre : si l’on prend certaines mesures, toutes les maladies ne sont donc pas obligatoires. En d’autres termes, à défaut de pouvoir soigner les maladies, les médecins de l’époque se sont employés à les prévenir.
Salubrité publique.
L’hygiène publique, constituée d’un ensemble de disciplines - médecine, pharmacie, politique de santé… - va petit à petit gagner du terrain en France, et ce par des mesures tout à fait concrètes. « On sait que l’un des premiers facteurs qui va permettre l’allongement de la durée de vie des Français, c’est la mise en place du chauffage collectif généralisé au XXème siècle, avance Gérard Jorland. Mais dès le siècle précédent, les hygiénistes avaient demandé que l’on utilise la vapeur des résines, ce qui devait permettre la généralisation du chauffage. » Autre mesure essentielle préconisée par les hygiénistes : le pavage des rues de Paris, et le drainage grâce à la plantation d’arbres. En effet, la ville était à l’époque habitée également par de nombreux animaux, ce qui avait pour conséquence l’existence de cloaques, et donc d’humidité, de propagation de microbes et de champignons. Troisième facteur important, la construction des villes en étoile, avec des parcs, afin que la place serve de distributeur d’air pour les avenues qui en partent et que cela puisse chasser les mauvaises odeurs. « Penons l’exemple de Paris : quatre places - l’Etoile, Nation, République et Denfert-Rochereau - avec de larges avenues, et des parcs disséminés dans la capitale : Buttes Chaumont, Bois de Boulogne et Vincennes, Luxembourg au milieu et Montsouris au sud », ajoute Gérard Jorland.
Qualité de vie.
Ces mesures très pratiques vont s’accompagner d’une volonté d’améliorer le niveau et la qualité de vie de la population, comme l’atteste la loi de 1841 pour limiter le travail des enfants : « Cette loi ne visait pas à limiter le travail des enfants pour des raisons éthiques mais à inciter les ouvriers à avoir moins d’enfants, puisque ce dernier ne serait plus alors un moyen de gagner de l’argent mais bien une bouche à nourrir, précise Gérard Jorland. Et, d’après les hygiénistes, avoir moins d’enfants devait permettre d’avoir un peu plus d’argent et donc une meilleure hygiène de vie. » Les Conseils de salubrité, constitués dès 1810 dans plusieurs villes de France et notamment les villes industrielles pour réfléchir aux émanations des fabriques et usines, se réunissent pour prendre un certain nombre de mesures. Néanmoins elles ne sont pas toujours appliquées, pour des raisons politiques : il faudra attendre la fin du siècle pour que des bureaux d’hygiène soient créés au sein même des mairies. En parallèle, les idées d’assurance maladie et de caisse de secours mutuelle font leur chemin, avec pour objectif d’aider les ouvriers à faire face à la maladie, quand celle-ci survient. « On ne peut pas faire de politique de santé publique en se contentant de la médecine », rappelle Gérard Jorland. Et d’ajouter que douze régimes différents se sont succédé au XIXème siècle, ce qui n’a pas facilité la tâche des dirigeants : « pour que la population accepte les mesures de santé publique, comme la vaccination, il faut qu’elle ait confiance en son gouvernement, ce qui n’était pas le cas à l’époque ». Le pays a donc créé un mouvement d’hygiène publique moderne, mais il a fallut beaucoup de temps pour en appliquer les mesures.
(1) Une société à soigner - Hygiène et salubrité publiques au XIXème siècle, Gérard Jorland, Gallimard, collection Bibliothèque des Histoires, 2010.
(2) Conférence animée par Gérard Jorland, directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), philosophe et historien des sciences, dans le cadre des Tribunes de la santé 2012, sous l’égide de la Chaire Santé de Science Po.
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