« ENCORE une fois, je réitère mes appels à la raison et je clame haut et fort : l’omniprésence des religions malmène l’application des soins aux malades dans les hôpitaux publics depuis plus d’une décennie. La menace plane. Faudra-t-il attendre qu’elle explose littéralement pour qu’enfin on ose réagir ? » Isabelle Lévy, spécialiste des rites, des cultures et des religions*, ne mâche pas ses mots. Refus de se déshabiller (y compris au bloc opératoire), de s’alimenter, de se faire soigner par quelqu’un du sexe opposé, voire tout simplement de se faire examiner (y compris des femmes par une femme) du côté des patients ; le tout accompagné de menaces voire de représailles à l’encontre des soignants. Rien ne va plus à l’hôpital public avec un nombre croissant d’« usagers de soins » qui ne se plient pas à la législation française, dit-elle.
Il ne s’agit plus aujourd’hui d’histoires exceptionnelles ou anecdotiques comme le refus de transfusion de la part des témoins de Jéhovah, mais du quotidien des hôpitaux et ce, avec une radicalisation croissante depuis le 11 septembre 2001. De certains sites plus que d’autres, raconte cette formatrice en milieu hospitalier qui a parcouru la France hospitalière. Les trois grandes religions monothéistes sont concernées, souligne l’auteur, même si les pratiques de certains musulmans apparaissent particulièrement en contradiction avec la laïcité. Et toutes les disciplines médicales sont visées, même si certaines exigences touchent particulièrement la gynécologie : de l’impossibilité de pratiquer un examen à la circoncision rituelle ou à la reconstruction d’un hymen en passant par les FIV, rendues nécessaires par les règles d’abstinence et de chasteté chez certains juifs orthodoxes. Tout ceci, de surcroît, déplore Isabelle Lévy, réalisé aux frais de la Sécurité sociale.
Le personnel n’est pas non plus en reste constate-t-elle en énumérant les actes de prosélytisme religieux effectués par le personnel soignant (port de signes religieux ostentatoires, particularités d’exercices) ou par des ministres du culte exerçant au sein de l’hôpital.
La loi est bafouée, les textes sacrés détournés.
Non seulement le principe de la laïcité est bafoué mais des vies humaines sont mises en péril du fait de l’entrave aux soins par des références à des pratiques religieuses ou à des traditions. Pourtant, la laïcité n’empêche pas la pratique religieuse mais lui donne des limites et « toutes les oppositions aux soins et traitements relèvent d’une méconnaissance ou d’une mauvaise interprétation des textes sacrés », qui acceptent la transgression des rites et des interdits pour sauvegarder la vie ou respecter l’intégrité physique ou mentale écrit Isabelle Lévy.
Écartelés entre obligation d’assistance à personne en danger et obligation d’obtenir le consentement aux soins, effrayés par les représailles potentielles dont l’actualité nous donne ces derniers temps l’illustration, le personnel peine à faire respecter la loi (charte sur la laïcité, loi de 2005, etc.). D’autant plus qu’il n’y est pas aidé par ses autorités de tutelle, des directeurs d’hôpital au ministère, de la Santé, affirme-t-elle.
Exemple : tous les hôpitaux doivent normalement disposer d’une équipe d’aumônerie pluriconfessionnelle avec des aumôniers rémunérés (circulaire ministérielle de 2006). Ce qui est loin d’être toujours le cas, particulièrement en ce qui concerne le judaïsme et l’islam. Pourtant, l’expérience le montre : la présence d’un ministre du culte sur place permet bien souvent de dédramatiser une situation et de faire émerger une solution en cas de refus de soin. Comme est toujours bénéfique un minimum de connaissances de chacun sur les traditions de l’autre et leur impact dans le domaine de la santé.
Accepter que la religion guide nos pratiques de soins n’est pas sans danger, explique Isabelle Lévy, rappelant qu’en Allemagne, à Hanovre, s’est ouvert en 2005 un hôpital public strictement réservé aux musulmans (soignants comme soignés), triste ségrégation qui rappelle d’autres sinistres moments de l’histoire.
* À lire aussi : « Pour comprendre les pratiques religieuses des juifs, des chrétiens et des musulmans », 2e édition revue et augmentée, 2010, Presses de la Renaissance ; 2011, Éditions Pocket.
Isabelle Lévy, « Menaces religieuses sur l’hôpital », Presses de la Renaissance, 270 p.,19 euros.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation