POUR RÉUSSIR à établir le profil évolutif de la mortalité dans l’espèce humaine, les auteurs avaient besoin d’un point de référence : il s’agit d’une étude ethnographique récente du profil de longévité moyenne chez des chasseurs-cueilleurs (M. Gurven et coll., 2007). La première constatation des chercheurs est que le profil de longévité de ces derniers est plus proche de celui des chimpanzés (non en captivité) que de celui observé en Suède ou au Japon (où la mortalité est une des plus faibles dans le monde aujourd’hui). En effet, alors que le taux de mortalité chez les chasseurs-cueilleurs est plus de 10 fois supérieur (sur toute la durée de la vie) à celui enregistré, aujourd’hui, au Japon ou en Suède, le taux observé chez les chimpanzés vivant à l’état sauvage est moins de 10 fois inférieur à celui chez les chasseurs-cueilleurs.
L’étude des taux de mortalité illustre, en outre, un fait intéressant : les profils de mortalité des Suédois, en 1900, étaient plus proches de ceux des chasseurs-cueilleurs que des Suédois d’aujourd’hui. C’est dire combien l’évolution de la longévité a été rapide et récente (dans le sens d’un allongement significatif de la durée de vie).
Un bond de 165 %
Un autre chiffre est parlant : chez les chasseurs-cueilleurs, l’espérance de vie moyenne à la naissance est de 31 ans (21 à 37 selon les populations). Elle était comparable (32 ans) chez les Suédois en 1800. En 1900 elle passe, dans cette population, à 52 ans, mais aujourd’hui elle est de 82 ans. L’espérance de vie a donc fait un bond d’environ 165 % entre les chasseurs-cueilleurs et les Suédois contemporains.
Pour compléter cette analyse originale, l’équipe de James Vaupel a considéré les données expérimentales issues des recherches sur les mécanismes du vieillissement au travers de mutations induites au niveau des voies endocriniennes chez des modèles animaux. De telles manipulations (qui induisent une restriction calorique) peuvent augmenter la durée de vie des nématodes de manière impressionnante (de 100 %), impressionnante, certes, mais pas en comparaison de l’augmentation de l’espérance de vie observée en un siècle (soit l’équivalent de quatre générations) dans l’espèce humaine !
L’allongement de la durée de vie est donc un phénomène extrêmement récent, à l’échelle de l’histoire de l’humanité : l’espérance de vie a à peine bougé jusqu’en 1800, et ce n’est qu’à partir du début du XXe siècle qu’elle a suivi une courbe ascensionnelle spectaculaire. L’ampleur de cette évolution est comparable (et même supérieure) à l’allongement de la durée de vie obtenu en laboratoire au moyen de manipulations génétiques sélectives.
Pourquoi ?
Sur quoi se fonde cette évolution dans l’espèce humaine ? Les auteurs excluent presque certainement des modifications génétiques en raison de la rapidité de l’évolution et du fait qu’elle est observée dans des pays très distants (Suède, France, Japon). Et l’amélioration de notre environnement n’explique sans doute pas tout. L’extraordinaire plasticité de la mortalité illustrée par cette étude amène les auteurs à poser une question intéressante. L’hypothèse que le génome humain serait porteur de mutations sans effet (ou bénéfiques) chez les sujets jeunes, mais préjudiciables chez les plus âgés, est contestée par les données des chercheurs indiquant que l’élasticité de la longévité est observée à tout âge. Dès lors, par quel mécanisme le génome humain a-t-il permis une réduction (récente) de la mortalité sans intervention de modifications génétiques ?
James W. Vaupel et coll. Human mortality improvement in evolutionary context. Proc Natl Acad Sci USA (2012), publication en ligne.
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