Alors que l’adoption, le 15 mars dernier au Sénat dans le cadre du projet de loi immigration, d’un amendement pour la suppression de l’aide médicale d’État (AME) a provoqué un tollé médical, une enquête* menée par des associations dénonce une « situation totalement inacceptable » avec le dispositif actuel, réformé en 2019.
Selon les résultats de cette investigation réalisée en Île-de-France par la Cimade, Comede, Dom’Asile, Médecins du Monde et le Secours catholique, 64 % des personnes étrangères en situation irrégulière rencontrent des difficultés pour se soigner faute de couverture santé. Parmi elles, 7 sur 10 ont renoncé aux soins.
Cette situation découle de la réforme du dispositif en 2019, qui a instauré un délai de trois mois de présence irrégulière sur le territoire pour accéder à l’AME et l’obligation d’un dépôt physique dans une caisse primaire d’assurance-maladie (Cpam) pour une première demande. Pour les personnes concernées, « les obstacles administratifs s'accumulent et freinent l'accès aux soins », déplorent les associations.
Des disparités d’une Cpam à l’autre
L’enquête relève des disparités d'accès aux droits selon les départements franciliens. En Seine-Saint-Denis par exemple, une seule agence de la Cpam est dédiée à l’accueil des primo-demandeurs. « Le service public s’éloigne des usagers. Obligées de se déplacer souvent loin de chez elles, ces personnes sans-papiers s’exposent à des pertes de revenus, et au-delà à des risques d’arrestation », souligne Catherine Claverie, présidente de Dom'Asile.
D’autres imposent une prise de rendez-vous par internet ou par téléphone pour venir déposer son dossier. « Si l’on ne sait pas lire et écrire le français, qu’on ne dispose pas de connexion internet ou de forfait téléphonique pour appeler le 3646 [numéro de l’Assurance-maladie, NDLR], se soigner devient une mission impossible », déplore la Dr Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde.
Dans ce même département, mais aussi dans le Val-de-Marne, l’enquête montre que plus d’un tiers des appels n’aboutissent pas. Et, quand un interlocuteur décroche, les informations délivrées sont « incomplètes, voire erronées », est-il relevé : seulement 4 % des interlocuteurs orientent les personnes vers les permanences d’accès aux soins de santé (Pass).
Autre obstacle, l’accueil physique au guichet des Cpam n’est pas « adapté », notent les associations, qui pointent, dans certaines Cpam, un accueil par un vigile sans service d’interprétariat par exemple. En conséquence, l’enquête estime que « dans le 93, plus d’une personne sur deux n’a pas réussi à déposer son dossier. Et plus d’une personne sur trois dont la carte était prête n’a pas réussi à la retirer auprès de l’agence. » « L’Assurance-maladie propose un accueil totalement inadapté et entrave, de fait, l'accès à un droit fondamental pour les personnes étrangères sans titre de séjour, alors que des solutions simples existent ! », dénonce Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade.
Une « importante détérioration de l'accès à l'AME »
Ce cumul d’obstacles administratifs conduit à une « importante détérioration de l'accès à l'AME » et à une « situation totalement inacceptable », jugent les associations. Elles réclament un « accueil inconditionnel et sans rendez-vous de l'ensemble des usagers, sans distinction de leur situation administrative, dans l'ensemble des agences de proximité, et dans des conditions adaptées (interprétariat, brochures d’information, formation des agents, NDLR) ».
* L’enquête s’appuie sur plusieurs sources de données : celles du site de l'Assurance-maladie (ameli.fr) et de la plateforme de prise de rendez-vous clicRDV.com, mais aussi sur un « testing téléphonique » du 3646 entrepris 271 fois auprès de quatre services départementaux d'Assurance-maladie préalablement identifiés (75, 93, 94 et 95) par des bénévoles.
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