LES ARDENTS partisans des révolutions arabes raillaient il y a peu les sceptiques qui hésitaient à les approuver sous le prétexte que des régimes forts forment un meilleur rempart contre l’intégrisme. Qu’ont-ils à dire aujourd’hui, ces admirateurs en chambre des sacrifices des autres ? L’idée péremptoire que la révolution des chabab (jeunes) balaie tous les comportements osbcurantistes sur son passage sort très affaiblie de la tragédie de Marrakech. Conscient des revendications sociales de ses sujets, Mohammed VI s’apprête en effet à lancer de grandes réformes, parfois institutionnelles, qui devraient avoir pour effet de créer une monarchie constitutionnelle dans un pays qui réclame des changements sans mettre en cause le souverain. L’attentat lui rappelle cruellement qu’il lui faut d’abord réprimer avec sévérité les mouvements terroristes s’il ne veut pas appauvrir le peuple marocain, qui serait privé, entre autres, des ressources du tourisme. D’ailleurs, le mal est fait. Les Français, qui représentent la moitié de la clientèle touristique du Maroc, y réfléchiront à deux fois avant de s’y rendre.`
Pas d’alibi.
Bien entendu, l’attentat de Marrakech ne donne aucun alibi aux deux monstres de Tripoli et de Marrakech qui extermineraient leur peuple pour rester au pouvoir. Le problème vient du fait que le retour à l’ordre après une révolution prend énormément de temps. Les dirigeants provisoires de la Tunisie en conviennent : ils déplorent un désordre qui a déjà ruiné la saison touristique. S’il est est indéniable que les révolutions arabes ont représenté le plus grand échec des mouvements intégristes depuis qu’ils existent, leur capacité de nuisance n’a pas diminué. On dirait même, si l’on ne craignait d’être cynique, que la recette est simple : une bombe, des souffrances, des morts, et le tour est joué.
En 2007 et auparavant, le Maroc a été confronté à des vagues de terrorisme encore plus violentes que l’attentat de jeudi dernier. La fragilité des régimes de transition en Tunisie et en Égypte n’a donné lieu à aucune violence terroriste pour le moment. Al Qaïda et consorts ne peuvent, néanmoins, se contenter d’une influence qui se réduit comme peau de chagrin. Au Maghreb et au Sahara, leur cible est principalement la France. Au Niger, ils prennent des otages ; au Maroc, ils font d’une pierre deux coups en s’attaquant au régime chérifien et à notre pays. Lequel doit soutenir le changement dans le monde arabe, mais s’en remet aux gouvernements en place pour protéger ses ressortissants (nombreux au Maroc) et pour combattre le salafisme et le jihadisme. Au moment où la France, bon gré mal gré, doit accueillir de nouvelles vagues d’immigrants incités à partir par l’insuffisance de la surveillance des côtes tunisiennes et par le chaos libyen, (qui entraîne, comble du paradoxe, une émigration vers la Tunisie), comment ne pas compter sur le gouvernement de Rabat pour rassurer les Marocains et les Français par la même occasion ?
Deux éléments.
Qu’il prenne la forme d’une révolution ou de réformes, le changement dans le monde arabe est hautement souhaitable. On n’y reviendra pas. Et on ne peut accorder aucun crédit à ces régimes de Tripoli, Sanaa, Damas qui n’ont plus aucune légitimité. On n’ignorera pas pour autant deux éléments d’appréciation importants : le premier est la confusion qui naît des révolutions et ne facilite guère le développement économique et social. Il n’y a que les romantiques pour se contenter du changement per se. Le deuxième est la multiplicité des mouvements politiques, violents ou non, qui s’expriment au sein des sociétés arabes. En Égypte et en Tunisie, c’est l’armée qui a empêché un bain de sang. C’est elle qui, tout en soutenant la révolution et en déposant les dictateurs en place, a maintenu dans les deux pays un ordre précaire. Mais la liberté étant valable pour tous, y compris les ennemis de la démocratie, les courants islamistes seront représentés aux élections. Ils n’auront de cesse d’influencer les orientations des nouveaux pouvoirs législatifs et exécutifs qui sortiront des urnes. Les intégristes, islamistes, salafistes et jihadistes de tout poil n’ont pas dit leur dernier mot.
À ceci près que, à long terme, la démocratisation, surtout si elle est accompagnée d’un développement économique, est le meilleur remède contre le fanatisme. Ce qui explique des attentats dictés par la peur qu’inspire aux intégristes une évolution politique irréversible, laquelle les empêcherait à terme de recruter des combattants.
› RICHARD LISCIA
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque