AU DÉBUT du siècle dernier, bien avant la Shoah, il y avait en Europe deux types de sionistes : ceux qui souhaitaient un foyer juif de type égalitaire inspiré du marxisme, et qui a donné lieu au kibboutz, et ceux qui trouvaient dans la Thorah et la foi la source de leur nationalisme. Le premier courant était animé par David Ben Gourion qui ne s’empara du pouvoir qu’en jugulant une droite pourtant déterminée et violente.Le second était incarné par Vladimir Zeev Jabotinsky, dont le père de M. Netanyahou fut le secrétaire particulier. Ceux qui s’intéressent à l’État hébreu n’ignorent rien des convulsions de l’État en gestation, menacé par les armées arabes mais déjà divisé. L’éclairage qu’apporte Mme Gozlan est néanmoins indispensable.
Rien n’est simple.
Vu de l’étranger, le problème israélien semble simple, ou plutôt le regard porté sur l’État juif est simplificateur : de même que le monde préfèrait Obama à Romney, les opinions publiques étrangères, y compris une partie des opinions juives de la diaspora, voient dans l’hypothétique succès de la gauche israélienne le seul moyen de créer un État palestinien qui vivrait en paix au côté d’Israël. En réalité, rien n’est jamais simple, notamment chez les juifs. Par exemple, ce sont les travaillistes israéliens qui ont commencé la colonisation après la guerre de 1967. C’est ce que nous rappelle Martine Gozlan dans son livre, outil précieux d’évaluation de la crise au Proche-Orient. Grand reporter à « Marianne », où elle a publié de très nombreux articles, elle s’est spécialisée dans le monde arabe et nous a fourni d’excellents ouvrages sur l’islam, le printemps arabe et l’intégrisme. Si elle conduit ses projets en se nourrissant d’une abondante littérature, elle apporte toujours à ses analyses le ton du journaliste, c’est-à-dire un merveilleux sens du récit et du vécu.
Une musique personnelle.
« Israël contre Israël » se présente en quelque sorte comme l’épanouissement de sa singularité, sous l’effet du sujet qu’elle traite et qui, sans vouloir nier la distance nécessaire de l’observateur, la passionne peut-être davantage . Elle y met beaucoup de savoir (ses voyages multiples en terre sainte et sa bibliographie foisonnante en témoignent), avec toutefois une musique personnelle qui donne au livre la dimension du roman. On n’en est plus à écouter le cours de la professeure, on plonge avec elle dans des sensations, des convictions, des troubles que l’auteur de ces lignes ressent de la même façon que Mme Gozlan. Elle n’est plus seulement l’observatrice froide et scientifique d’un phénomène historique, elle apporte aussi la description des sentiments contraires que fait naître fatalement le problème insoluble d’un peuple qui a payé d’un prix inouï le droit d’exister, mais n’est pas exempt des actes d’injustice qu’il a pu commettre.
Le récit d’un événement que connaissent même ceux qui ne sont pas férus en la matière, l’attaque, en 1948, par les forces de Ben Gourion, d’un navire, l’Altalena, venu de France avec à son bord une cargaison d’armes pour l’Irgoun, le mouvement de Menachem Begin, l’homme qui signa plus tard l’accord de paix avec l’Égypte, est une épopée tragique : des juifs ont tué des juifs. Trois ans à peine après les camps de concentration. Et l’homme qui commandait les soldats de Ben Gourion n’était autre qu’Itzhak Rabin, celui qui, devenu Premier ministre, signa les accords de paix de 1993, avant de tomber, deux ans plus tard, sous les coups d’un assassin appartenant à l’extrême droite et qui se souvenait, lui, de l’Altalena. Ben Gourion, la légende, le de Gaulle juif, qui s’était pourtant engagé à livrer les armes à l’Irgoun sans incident, fit volte-face : il craignait un coup d’État de la droite ! L’affaire de l’Altalena résume tout le propos du livre.
LE DECHIREMENT D’UN PEUPLE DEJA PERSECUTE
Paix, guerre,violence, douceur, ruptures, crises, batailles entre les haredim (craignant-Dieu) et les laïcs, Israël est fait de tout cela. Martine Gozlan, qui nous livre quelques photos d’événements historiques, comme la prise de Jérusalem, y mêle des photos de ses ascendants. Elle se fond tout entière dans un récit de cris et de larmes, de joies et de douleurs, d’amour et de cruauté. Dans une page magnifique qui conclut l’ouvrage, elle nous dit ce qu’elle croit. Un livre remarquable, à la fois par sa rigueur et par son empathie pour les siens, certes, mais pour les autres aussi. Un livre impartial qui n’enlève rien à l’affection qu’elle a pour Israël et que ses lecteurs partageront avec elle.
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