EN FRANCE, vers 1750, une femme pouvait espérer atteindre 28 ans (27 ans pour les hommes) tandis qu’aujourd’hui son espoir lui permet d’envisager ses 85 ans (78 ans pour les hommes). L’espérance de vie, qui a progressé de façon spectaculaire depuis le XVIIIe siècle, ne s’est jamais embarrassée des barrières que lui posaient les démographes. Et nombreux sont ceux qui ont voulu relever le défi de prédire le pic de l’espérance de vie, aux limites de la biologie humaine.
En2002,Jim Oeppen et James Vaupel s’y sont employés en étudiant l’évolution séculaire du record d’espérance de vie atteint chaque année par le pays le plus avancé. En pointant tous ces records, ils ont pu tracer une droite inclinée à 25 %, indiquant que l’espérance de vie maximum a augmenté imperturbablement de trois mois par an depuis 1841, année de départ de leur base de données. Et aucun fléchissement n’indiquerait que l’on doive renoncer à ces trois mois supplémentaires.
Mais pour Jacques Vallin et France Meslé, de l’Institut national d’études démographiques (INED), ce supplément de vie n’est pas automatique. Grâce à une base de donnée élargie (partant de 1750) et « mieux contrôlée », ils obtiennent, en place d’une droite, une ligne brisée se décomposant en quatre segments de pente variable. Avant 1790, la pente du segment d’ajustement est quasi nulle, indiquent les chercheurs. De 1790 à 1885, l’espérance de vie maximum « décolle fermement » et coïncide avec la diffusion du premier vaccin, la vaccine de Jenner, permettant d’obtenir un recul significatif de la variole. « Mais elle doit sans doute encore plus aux grands progrès faits à la fin du XVIIIe siècle en matière de production agricole, de circulation des denrées et de contrôle des épidémies. » Cette progression s’accélère brusquement au milieu des années 1880 pour s’ajuster vers 1960 avec un gain de quatre mois d’espérance de vie par an. « Là encore la rupture coïncide avec une innovation médicale majeure, les découvertes de Pasteur. » Sans la révolution cardiovasculaire des années 1970 (innovations thérapeutique et chirurgicale, améliorations du système de santé avec le SAMU, changements de comportements), l’espérance de vie « aurait réellement pu plafonner ». « Cette nouvelle stratégie de lutte contre la mort a au contraire permis de renouer avec une progression linéaire forte de l’espérance de vie », à un rythme toutefois moins soutenu d’un peu moins de trois mois. Aujourd’hui que les effets bénéfiques de cette révolution sont déjà consommés, du moins dans les pays les plus avancés, l’évolution de la mortalité aux âges élevés devient essentielle pour la progression de l’espérance de vie.
Aux grands âges.
« Tout risque de se jouer demain sur les grands âges et ils peuvent encore être le champ de progrès importants, mais rien n’indique qu’ils puissent suffire à soutenir le rythme actuel de progression de l’espérance de vie à la naissance », précisent les auteurs. À l’avenir, l’espérance de vie devrait certainement dépasser 100 ans mais il est « déraisonnable d’affirmer que ce sera précisément le cas de telle ou telle génération ». Suspendue à une innovation médicale (chirurgie réparatrice, thérapies géniques), l’espérance de vie dépend aussi du contexte politique, économique et social qui permet d’en diffuser les bénéfices au plus grand nombre.
* « Population & Sociétés », n° 473, décembre 2010, www.ined.fr.
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