LE PAPE BENOÎT XVI reçoit aujourd’hui à Rome une délégation des juifs américains, après avoir reçu lunid dernier une délégation de juifs français, dirigés par le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le Dr Richard Prasquier. Le souverain pontife a été visiblement surpris par les réactions de colère et de détresse non seulement dans les communautés juives du monde, mais au sein de sa propre Église. De même qu’il a été surpris d’apprendre que Mgr Williamson était et restait un négationniste de la pire espèce, celui qui ne retire jamais ses propos. Benoît XVI n’avait nullement l’intention d’orienter la doctrine officielle de l’Église catholique et romaine vers le révisionnisme et encore moins vers le négationnisme. Dans le souci compréhensible de rassembler les catholiques et surtout et surtout d’empêcher que ne se créent des sectes au sein de l’Église, il a cru bon d’absoudre ceux qui, depuis plus de vingt ans, sont en dissidence ouverte.
Deux réactions.
Mais le pape a été mal informé sur les évêques concernés et notamment sur les adeptes de la fraternité de Saint Pie X (150 000 personnes à comparer avec un milliard de catholiques, et environ 500 prêtres) : au delà de leurs traditionnalisme religieux, ils nourrissent souvent diverses formes d’intolérance. Le fait même qu’ils soient hostiles au contenu doctrinal du concile de Vatican II, qui contient un document, intitulé Nostra Ætate, sur la réconciliation avec le judaïsme, indique qu’ils considèrent l’antisémitisme comme partie intégrante de leur foi. Les quatre évêques en quelque sorte grâciés par le pape et la fraternité Saint Pie X à laquelle ils appartiennent n’ont d’ailleurs pas renoncé à leurs idées. Ce qui laisse supposer que Benoît XVI a pris sa décision sans s’informer de l’état d’esprit des intégristes et sans en prévoir les conséquences.
La première réaction, celle des juifs, a été celle de la douleur. En France, Robert Badinter l’a fort bien exprimée, qui a a parlé d’une « blessure ». Israël et la diaspora ont pensé d’abord que le pape voulait annuler, à terme, les dispositions de Nostra Ætate, d’autant qu’il autorisé la messe en latin et réintroduit la « prière pour les juifs » qui n’est autre qu’un appel à renoncer à leur propre foi. Sur ce point, ils ont été rassurés par les très nombreuses mises au point que le Vatican a publiées. Mais la deuxième réaction, celle des catholiques du monde, indignés par le négationnisme de Mgr Williamson et par le retour apparent du pape à une interprétation extrêmement conservatrice des textes, aura été la plus surprenante dans la mesure : la forte incompréhension entre le souverain pontife et ses propres fidèles semble indiquer que les catholiques veulent aller de l’avant plutôt que retourner à des dogmes dépassés.
Crise internationale.
Le débat a aussitôt gagné le champ politique. NIcolas Sarkozy s’est élevé avec vigueur contre le négationnisme ; et la chancelière allemande Angela Merkel s’en est prise directement à Benoît XVI en lui demandant des explications, puis en estimant que celles qu’il donnait demeuraient insuffisantes. Il a fallu plusieurs jours pour que, au terme de conversations houleuses entre le gouvernement allemand et le Vatican, Mme Merkel annonce qu’elle était désormais rassurée. Le comportement des Allemands aura été, à cet égard, admirable. Ils se sont sentis responsables de la douleur qui venait d’être infligée aux juifs, d’abord parce que le nazisme est né en Allemagne, ensuite parce que l’ancien cardinal Ratzinger est allemand. Le bonheur qu’ils ont éprouvé quand le cardinal Ratzinger a été désigné pour succéder à Jean Paul II a été en quelque sorte annihilé par la réintégration des intégristes et par l’incapacité du pape (ou de ses conseillers) à déceler le poison négationniste avant l’annonce de la décision.
La sincérité outragée des catholiques du monde entier, les anonymes et les sans-grade, les a conduits à s’élever avec fureur contre la réhabilitation des intégristes, notamment celle du négationniste Williamson. Le pape s’est dit « horrifié » par les conséquences de sa propre bévue. Et on le comprend : le coup inutile porté à la communauté juive mondiale, et encore pis, la surprise douloureuse de ses ouailles ont créé une tempête planétaire.
Pour le moment, la fraternité Saint Pie X a pris ses distances avec le négationnisme, le Vatican a sommé Mgr Williamson de renoncer à ses mensonges, et le pape a fourni assez de gages pour calmer les Allemands et les juifs. Cette crise aussi subite qu’inattendue aura peut-être permis de clarifier les positions de l’Église sur des points de doctrine essentiels. Cependant, on ne peut pas la séparer d’un contexte politique marqué par une montée de l’antisémitisme et par le comportement des racistes qui sortent de la semi-clandestinité où les avait jetés naguère l’opprobre général. Le conflit israélo-palestinien est passé par là. Dès lors qu’il est devenu politiquement correct de dénoncer la brutalité israélienne et d’exalter la cause palestinienne, il n’y a plus aucune raison de traiter les juifs de la diaspora avec des pincettes. Il ne faut pas oublier qu’on a crié « Mort aux juifs ! » lors des manifestations propalestiniennes qui, en France et ailleurs, ont accompagné la guerre de Gaza. Il ne faut pas oublier qu’on est encore obligé de faire des procès à des gens qui, comme « l’humoriste » Siné écrivent des textes gorgés d’antisémitisme mais jurent qu’ils ne sont pas antisémites ; il ne faut pas oublier que le président iranien rêve d’annihiler Israël comme autrefois Hitler assassinait tous les juifs du monde un par un. Le pape ne semble pas avoir eu cette sensibilité-là, celle d’une crise internationale qui redonne du tonus aux antisémites et fragilise terriblement les juifs du monde.
Le pape Benoît XVI a déclenché une tempête planétaire
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