LE DR MOHAMED Naciri Bennani est généraliste à Casablanca, et président du Syndicat national des médecins du secteur libéral (4 250 adhérents). Sa vision de l’Union pour la Méditerranée ? Teintée de méfiance. « D’accord pour un vrai partenariat Nord-Sud, mais selon des règles d’équité. Je crains que le projet se transforme en une nouvelle forme de colonisation d’ordre économique ».
Le Dr Naciri Bennani assiste, impuissant, à l’exil de ses confrères (5 000 médecins marocains travaillent à l’étranger), alors que le système de santé est déjà mal en point. Si l’UPM doit se traduire par la venue d’investisseurs étrangers intéressés par le tourisme médical, ce praticien dit tout net son refus. « Les listes d’attente pour certaines interventions en Europe sont longues. Nous ne voulons pas que des groupes financiers comme la Générale de santé construisent un hôpital au Maroc, emploient des médecins marocains payés moins qu’en Europe, et fassent venir des patients en deux heures d’avion pour augmenter leur bénéfice financier. Non à la marchandisation de la santé. Non à une médecine à plusieurs vitesses ». La contestation a été entendue : le ministère de la Santé marocain a abandonné l’idée d’autoriser les investisseurs étrangers à ouvrir des cliniques au Maroc. Pour le moment.
Oui à l’UPM, reprend le généraliste casablancais, si l’objectif est d’améliorer l’accès aux soins dans les pays du Sud de la Méditerranée – en particulier le Maroc, en retard sur ses voisins. Mais ce ne sont pas les collaborations médicales franco-marocaines, malgré leur abondance, ni les liens tissés avec les syndicats médicaux français, qui permettront au Maroc de rattraper son retard. Le pays compte 18 000 médecins, contre 45 000 en Algérie, pour autant d’habitants (35 millions). Le Maroc dépense 65 euros par an pour la santé de chaque habitant, la Tunisie quatre fois plus. Les États-Unis, 4 000 euros. Sept Marocains sur dix n’ont pas de couverture santé, malgré la mise en place en 2000 d’une assurance-maladie obligatoire. Avec un SMIC à 180 euros, le premier réflexe, c’est la pharmacie ou le charlatan, pas le médecin. Les inégalités sont financières. Géographiques aussi. Certaines zones reculées du Maroc ne comptent qu’un seul médecin pour 60 000, voire 100 000 habitants.
Dans ce contexte, la première des priorités, aux yeux du Dr Naciri Bennani, est de retenir les blouses blanches au Maroc. Le syndicaliste appelle l’Occident à des positions fermes. « Jusqu’à présent, l’UPM se borne à des déclarations d’intention. Si les Européens veulent agir, c’est en faisant pression sur les décideurs du Sud pour améliorer les conditions de vie et de travail au Sud. Les médecins privés au Maroc vivent dans l’insécurité : ils n’ont ni Sécurité sociale, ni retraite, ni assurance invalidité. Les revenus sont faibles – entre 600 et 1 500 euros pour les médecins publics. Voilà les raisons de la pénurie médicale ».
Se pose aussi la question, politiquement sensible, de l’indépendance du corps médical dans le royaume. Le président de l’Ordre des médecins n’est pas élu, mais désigné par le roi. En une décennie, Mohammed VI a su engager son pays sur la voie de la modernité, mais beaucoup reste à faire. Le journaliste emprisonné pour avoir évoqué la santé du monarque pourrait en témoigner. « Il reste des tabous, esquive le Dr Naciri Bennani. Je préférerais entendre l’Europe s’émouvoir de la mort, le 15 août dernier, de cette Marocaine atteinte d’un cancer des os, qui s’est vu refuser un visa par l’ambassade de France, alors qu’un hôpital parisien était prêt à la soigner avec une technique de pointe qui n’existe pas au Maroc. C’est inhumain. Humiliant. Cela a fait un grand scandale ici. Pas au Nord de la Méditerranée ». Une homonymie de la patiente avec une Algérienne interdite d’entrée en France serait à l’origine du refus du visa. Dans une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, l’association marocaine des droits humains s’est indignée de cette mort « dramatique, mais combien évitable ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation