Inégalités de santé, accès aux techniques de pointe

Le regard impitoyable d’un géographe sur la fracture médicale

Publié le 29/11/2012
Article réservé aux abonnés

QUAND UN GÉOGRAPHE observe l’accès aux soins, cela donne des courbes, des chiffres et une présentation dynamique qui fait éclater aux yeux de sombres réalités. Emmanuel Vigneron, professeur d’aménagement sanitaire à l’Université de Montpellier, est venu partager ses analyses aux tribunes de la santé de Sciences-po sans mâcher ses mots. « En France, le risque de mortalité prématurée avant 65 ans n’est pas réparti de manière aléatoire », dénonçant les disparités flagrantes entre la Bretagne, la Lorraine, les Ardennes et l’Ariège où la durée de vie est globalement plus courte que « la France en bonne santé qui suit la côte atlantique et le midi. »

En présentant cette image (3D) des inégalités injustifiables qui s’aggravent d’année en année, Emmanuel Vigneron constate que les écarts se creusent. Les risques qui expliquent ces différences ne doivent rien au hasard. En s’appuyant sur la chirurgie de la cataracte, il monte que les zones se fragmentent désormais.

« Cette opération peu chère et qui rapporte beaucoup » est très fréquemment pratiquée en Aquitaine et à Toulouse. Beaucoup moins de personnes y ont accès en Franche-Comté, dans la région Centre ou encore dans les Pays de la Loire. Une fracture nette dans l’accès aux soins. Le géographe établit un lien avec l’installation des ophtalmologistes libéraux, estimant que la distance à parcourir pour consulter ce spécialiste correspond à une réelle perte de chance pour les personnes âgées de l’Est de la France (par défaut de dépistage). « La loi de santé publique, la mise en place des ARH puis des ARS, permettent d’aller dans le bon sens, mais nous sommes loin du compte et trois ans après leur mise en œuvre, les inégalités les plus criantes ne me paraissent pas résolues », déplore-t-il.

La crise économique semble accélérer le processus. Les territoires de santé, expliquent-ils, se disloquent. Les zones les plus opulentes où l’on meurt moins rapidement tranchent avec une France en marge du progrès médical dont les contours sont désormais mieux connus grâce à ce type de travaux.

 LAURENCE MAUDUIT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9198