COMME À SON HABITUDE, Barack Obama a fait une excellente analyse de la situation en Iran. Il ne croit pas en effet que, si Mir Hossein Moussavi s’emparait du pouvoir, il ferait une politique étrangère très différente de celle de M. Ahmadinejad. L’Amérique doit négocier, dit Obama, avec un pays qui lui est historiquement hostile. La tendance d’un président iranien issu du régime des mollahs ne peut être opposée à celle d’un autre président issu du même régime. Il est bien peu probable, dans ces conditions, que l’Iran renonce à se doter de l’arme nucléaire à la faveur d’un compromis politique sur les résultats électoraux. Le « Guide suprême », Ali Khamenei, sans qui rien ne se fait à Téhéran, a consenti à procéder à un recomptage partiel des voix. C’est une bien faible concession.
Il y aura des changements.
Cela ne signifie pas pour autant qu’un gouvernement plus proche des Iraniens ne leur accorderait pas quelques libertés supplémentaires et ne commencerait pas à gérer de façon plus rationnelle l’économie du pays, ravagée par l’inflation et les sanctions commerciales. Mais il est impossible que le système théocratique accouche de libertés authentiques. On ne sait pas ce qu’il faut souhaiter. Un soulèvement violent et durable de la population pourrait balayer les mollahs, mais il causerait d’infinies souffrances aux Iraniens. Le pouvoir, en effet, dispose d’énormes moyens de répression et d’un soutien populaire. Même si Ahmadinejad a truqué le scrutin, on ne peut pas lui contester une certaine popularité, comme c’est le cas, d’ailleurs, avec les démagogues de tous les pays. Le risque de guerre civile n’est donc pas exclu, alors que les Iraniens exilés croient assister déjà à un tournant historique pour leur pays. Il est remarquable que la cinéaste Marjane Satrapi, primée à Cannes, dénonce les mollahs avec vigueur et affirme que les Iraniens ne veulent ni avoir la bombe ni raser Israël. Il n’est pas certain pour autant que son avis soit partagé par tous ses compatriotes. En tout cas, pas encore.
Quels sont les scénarios possibles ? Le recomptage des voix ne sera qu’une farce destinée à confirmer la victoire du président sortant. En coupant tous les réseaux d’information, en expulsant les journalistes étrangers ou en les empêchant de travailler, Khamenei entend mettre un terme à la révolte aussi rapidement que possible, par l’asphyxie des flammes de la révolte. Il n’est pas sûr du tout qu’il y parvienne dans les prochains jours, que la protestation ne soit qu’un feu de paille, que les Iraniens se lassent. Dans ce cas, on peut imaginer que l’affrontement devienne très grave, avec des victimes nombreuses. Les mollahs, qui n’ont nullement envie d’accroître le ressentiment déjà très vif de l’opposition, tenteront de se livrer à une répression calculée. Bien entendu, les conséquences des émeutes sont imprévisibles. Il n’est pas impossible que les opposants se rendent compte qu’il ne se passera rien tant que le régime reste en place. Cependant, après trente ans de théocratie, l’idée seule d’un pouvoir laïque apparaîtrait comme un blasphème.
Limites à ne pas franchir.
Les manifestations n’en sont pas moins utiles, dans la mesure où elles indiquent aux mollahs les limites qu’ils ne peuvent pas franchir. M. Ahmadinejad, qui va sans doute rester au pouvoir, devra rabattre de son arrogance et, s’il ne le fait pas, il continuera à être contesté jour après jour. On n’a perçu chez lui aucun changement d’attitude (il s’est rendu à Moscou pour annoncer la fin des impérialismes, sans faire la moindre allusion aux émeutes dans son pays). Mais peut-être consentira-t-il à s’occuper davantage des problèmes économiques et sociaux, même s’il s’en tient à sa rhétorique populiste.
À l’étranger, nous avons une lourde responsabilité : bien que nous souhaitions que ce peuple attachant acquière de nouvelles libertés, nous ne pouvons pas encourager les Iraniens (surtout les jeunes et les femmes) à provoquer les forces de l’ordre au mépris de leur vie. Nous ne devons pas tenter d’éliminer le régime par procuration : personne n’est prêt à voler au secours des Iraniens si le pouvoir les massacre. Tout laisse penser que l’ordre sera rétabli, mais que Khamenei prendra partiellement en compte les vux exprimés par les opposants. Dans les rues de Téhéran, on a quand même crié « À bas Ahmadinejad » et « Mort au dictateur ». Ce n’est pas un langage auquel les mollahs sont habitués. Mais depuis cette semaine, c’est le langage courant à Téhéran.
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