L'Assemblée nationale a adopté ce 29 juin la troisième révision des lois de bioéthique depuis 1994, avec 326 voix pour, et 115 voix contre. Un ultime (et septième !) vote qui entérine une loi ayant commencé son parcours législatif à l'automne 2019, après des États généraux en 2018.
Malgré ces années et les quelque 500 heures de discussions, le dissensus demeure au sein du Parlement. Si Adrien Taquet, secrétaire chargée de la protection de l'enfance, a salué un « moment historique » et Coralie Dubost, rapporteure LREM, défendu le « modernisme humaniste » de la loi, le député LR Patrick Hetzel a regretté un « moins-disant éthique » et « de multiples franchissements de lignes rouges éthiques ». Quant au député Modem Philippe Berta, il a salué une « évolution juste et proportionnée » de la bioéthique tout en regrettant de n'avoir pas pu aller plus loin en termes de génétique.
Les textes d'application ayant été préparés en parallèle, les premiers enfants devraient pouvoir être conçus avant la fin de l'année 2021, a assuré Adrien Taquet. Néanmoins un recours auprès du Conseil constitutionnel, de députés LR et UDI notamment, pourrait cependant retarder de quelques semaines la promulgation de la loi.
Que contient la loi et que laisse-t-elle de côté ? Décryptage.
- AMP pour toutes
L'assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA) est désormais autorisée pour les couples de femmes et les femmes célibataires, avec remboursement de la part de l'Assurance-maladie (pour un coût évalué à 15 millions d'euros annuels supplémentaires). En termes de filiation, les couples de femmes devront passer par une reconnaissance anticipée de l'enfant devant notaire pour celle qui ne porte pas l'enfant, presque comme les pères des couples non mariés (qui se présentent à la mairie).
Celles qui ont eu recours à une PMA à l'étranger avant la loi pourront par ailleurs, pendant trois ans à compter de la publication du texte, faire une reconnaissance conjointe pour établir la filiation.
La loi ne permet pas l'AMP pour les hommes transgenres ni avec les gamètes d'un conjoint décédé (post-mortem), ni la « réception de l'ovocyte de la partenaire » (ROPA), lorsque la femme porte le fœtus issu des gamètes de sa compagne. La gestation pour autrui (GPA) ne figure pas non plus dans cette troisième révision. En dernière lecture, les députés ont même précisé que pour les enfants qui en seraient issus, à l'étranger, leur filiation sera « appréciée au regard de la loi française ».
- Anonymat du don et accès à l'identité du donneur
Le texte prévoit que les enfants nés d'un don puissent accéder à leur majorité à des données non identifiantes (âge, caractéristiques physiques, etc.) du donneur et même, s'ils le souhaitent, à son identité. Les candidats aux dons devront, pour être acceptés, donner obligatoirement leur consentement à une telle révélation si l'enfant en fait la demande à sa majorité. Le don reste pour autant anonyme, au sens où un couple ne peut choisir un donneur, et réciproquement. Ce dispositif d'accès aux origines sera rétroactif, avec possibilité pour les enfants issus de don de se tourner vers une commission ad hoc susceptible de contacter les anciens donneurs pour savoir s'ils acceptent de transmettre leurs données. Un décret devrait préciser le calendrier, pour que le nouveau régime entre en vigueur sans que des paillettes confiées sous la législation actuelle ne se perdent.
Par ailleurs, la loi autorise le double don de gamètes, masculin et féminin, pour un couple dont les deux membres auraient des problèmes d'infertilité.
- Autoconservation des gamètes
Le texte autorise la conservation des gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) hors raisons médicales (cancers, endométriose…). Cette autoconservation devra se faire dans des établissements de santé publics ou privés à but non lucratif, sauf dans certains départements (par exemple, l'outre-mer ou la Corse), où des structures privées à but lucratif autorisées par l'Agence régionale de santé (ARS) pourraient avoir une dérogation en l'absence d'offre publique, et en respectant les tarifs de la Sécurité sociale.
Seul l’acte de prélèvement sera remboursé, les frais de conservation demeurant à la charge du bénéficiaire. L'employeur ne pourra les régler, pour éviter toute pression ou dérive.
- Don du sang et du corps
La troisième révision des lois de bioéthique inscrit dans la loi la non-discrimination des donneurs de sang en fonction de leur orientation sexuelle. Elle introduit pour la première fois le don du corps à la science dans ce corpus, en rappelant les grands principes de respect et dignité, et en précisant la finalité d'enseignement et de recherche (renvoyant à un futur décret les détails visant à rendre impossible tout scandale semblable à celui de la rue des Saints-Pères).
- Distinction entre recherche sur embryons et cellules souches
La loi introduit une distinction entre deux régimes de recherche, celui sur les embryons, soumis à autorisation auprès de l'Agence de la biomédecine (ABM), et celui utilisant des cellules souches embryonnaires ou des cellules souches pluripotentes induites humaines (iPS), qui doivent seulement faire l'objet de déclaration. L'article 17 interdit la modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces, mais autorise la réciproque, les chimères hommes/animal.
- Tests génétiques
La loi autorise les médecins (généticiens) à faire part au patient de la révélation de données incidentes découvertes au cours de l'examen génomique, alors qu'on ne les recherchait pas. Un soulagement pour les spécialistes. Elle ne permet pas, en revanche, la recherche active des données secondaires ; et le libre recours aux tests ADN « récréatifs » reste interdit.
Le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) n'est en revanche pas ouvert (bien que des expérimentations soient en cours) ; le couplage du diagnostic pré-implantatoire à un typage HLA (DPI-HLA), autrement connu sous le nom de « bébé médicament », lui, demeure possible.
Enfin, la loi prévoit l'orientation systématique des enfants avec variations du développement sexuel vers des Centres de référence des maladies rares, afin d'assurer leur prise en charge harmonisée.
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