HABITUELLEMENT, l’opposition tire à tout-va sur toutes les initiatives du gouvernement. Mme Aubry a donc eu l’occasion de dénoncer avec vigueur l’expulsion récente de trois Afghans. La gauche et la partie de l’opinion qui lui est favorable semblent prêtes à accueillir avec bienveillance tous ceux qui se présentent à nos frontières, ce que dément l’action des socialistes quand ils étaient au pouvoir : c’est le Premier ministre Édith Cresson qui, pour la première fois, a parlé de charters pour les clandestins. On n’approuvera donc pas Mme Aubry quand elle exprime chacune de ses convictions. On la soutiendra en revanche dans un domaine, celui des sans-papiers, où son propos est rationnel. Nous devons contrôler le flux des immigrants (nous en acceptons cent mille par an légalement, ce qui est tout de même un nombre élevé). Mais une fois qu’on a donné un blanc-seing, sous quelque forme que ce soit, fût-ce sa présence depuis un certain temps, à un immigré, nous devons l’aider à s’installer.
Des citoyens.
Les travailleurs sans papiers ont un emploi, paient des cotisations ou des impôts, se conduisent dans l’immense majorité comme des citoyens. Leur statut est scandaleux : ils sont bons à travailler, à se faire exploiter par quelques entreprises peu scrupuleuses, ils ne touchent pas toujours le salaire qui leur est dû. Il ne leur manque qu’une carte de séjour que l’administration refuse de leur donner pour diverses raisons : soit elle ne veut pas régulariser le statut d’une personne qui, jadis, est entrée en France clandestinement, soit ces sans papiers n’ont pas les documents qui justifieraient leur état-civil, soit ils sont victimes de la bureaucratie, soutenue par un pouvoir hypocrite qui laisse en suspens le statut de ces personnes.
LA POLITIQUE D’IMMIGRATION DE LA GAUCHE NE SERAIT PAS TRÈS DIFFÉRENTE
La plupart du temps, les entreprises évitent de recruter des gens qui n’ont aucun papier légal parce qu’elles savent qu’elles risquent d’être lourdement condamnées. En revanche, elles emploient des gens qui se sont fait embaucher avec de faux papiers, et qu’elles déclarent au fisc et à la Sécurité sociale. Certaines sociétés poussent la générosité jusqu’à faire établir de vrais papiers, ce qui est coûteux et prend du temps. Ce sont elles qui constituent le dossier et le suivent jusqu’à son dénouement. Malheureusement, les sans-papiers sont encore très nombreux, très clandestins et on ne connait pas leur nombre avec certitude.
Il appartient au gouvernement d’aider des immigrés qui ont réussi à s’insérer mais n’ont pas d’existence légale. Il souhaite le faire au cas par cas, car il craint par dessus tout l’appel d’air qui en résulterait et encouragerait de nouveaux candidats à l’immigration à se présenter à nos frontières. C’est pourquoi l’aide active aux sans-papiers doit être accompagnée d’une rigueur extrême concernant les nouveaux immigrants, ceux qui s’ajouteraient aux personnes s’installant en France avec le consentement des autorités. Cela s’appelle ne pas accueillir toute la misère du monde, et les cris d’indignation ou les manifestations d’amour pour le genre humain n’y changeront rien : plus nous accepterons d’immigrés clandestins, moins nous serons en mesure de traiter avec décence ceux qui sont déjà chez nous et qui, souvent, n’en mènent pas large.
Le gouvernement peut très bien prendre en compte le point de vue de Martine Aubry qui n’exprime que bon sens et justice. Nous devons être solidaires de ceux qui sont déjà en France avec une famille et un emploi. Ils apportent une aide à la société en général et doivent être traités comme tous les travailleurs français. Et c’est de cette manière que le gouvernement s’affranchira des critiques larmoyantes et irresponsables sur son manque d’humanité.
Polarisation.
Il est possible que, avec ce débat sur l’identité nationale qui contient certainement des arrière-pensées et n’est pas d’une urgence extrême (immigration, chômage et insécurité constituent les trois grands problèmes du moment), le gouvernement cherche principalement à faire avaliser par l’opinion une réduction du flux migratoire, même chez ceux qui arrivent en France en toute légalité. Récemment, tandis que la droite se durcissait, la gauche se gauchisait. Cette polarisation, aussi regrettable qu’elle soit, indique que le gouvernement est allé aussi loin que possible dans le sens d’une politique d’immigration restrictive. Il est plus que probable que, dans ces conditions, l’immigration continuera en France, avec l’accueil des immigrants en règle, l’expulsion de ceux qui utilisent les filières de passeurs criminels et une lente régularisation des sans papiers. La gauche au pouvoir ne ferait pas un programme très différent. Elle se contentera des symboles inverses : au lieu d’expulser trois Afghans, elle leur ouvrira les bras. Elle régularisera les sans-papiers plus vite que le pouvoir actuel. Elle expulsera beaucoup de monde sans le dire. La seule politique qui serait diamétralement différente de celle d’Éric Besson serait celle d’Olivier Besancenot qui, s’efforçant de ne gouverner à aucun prix, n’a pas une chance de le mettre en pratique.
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