La candidature de Borloo effraie Sarkozy

Le chien dans le jeu de quilles

Publié le 15/06/2011
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Crédit photo : S TOUBON

JEAN-LOUIS BORLOO n’est pas quantité négligeable, contrairement à ce que prétend le chef de l’État. Sa démarche personnelle divisera certes la majorité, mais la cote de M. Sarkozy étant très basse, M. Borloo, qui est assez populaire, espère, non sans témérité, conquérir tout le centre, une frange de la gauche et le centre-droit. Ce qui lui ferait, pense-t-il, une majorité. Le président en exercice ne croit évidemment pas à cette théorie présomptueuse. Il ne voit qu’une chose : que M. Borloo va lui coûter des voix précieuses au premier tour. Chacun est libre de se présenter et l’ancien ministre de l’Environnement peut compter sur les radicaux et beaucoup de centristes. Il se heurte toutefois à deux grosses difficultés : la première est qu’il s’adresse, peu ou prou, à l’électorat de François Bayrou. S’il peut convaincre facilement Hervé Morin de rentrer dans le rang, il n’est pas en mesure de rallier à lui un homme qui a obtenu près de 17 % des voix à l’élection présidentielle de 2007.

SARKOZY PERÇOIT BORLOO COMME LE DANGER LE PLUS SÉRIEUX

L’UMP va se fâcher.

Le deuxième obstacle est le suivant : non seulement M. Bayrou a des états de service électoraux, mais il lui est facile de dénoncer la nature hybride d’une candidature, celle de M. Borloo, qui se présente aujourd’hui comme une force d’opposition à Sarkozy alors qu’il a été le ministre influent et pendant longtemps de Jacques Chirac et de son successeur. M. Bayrou n’aura aucun mal à convaincre ses électeurs qu’il est le vrai centre, le centre qui s’est dressé contre la droite, alors que chacun peut se poser des questions sur la sincérité de M. Borloo, suffisamment sarkozyste pour avoir imploré le chef de l’État de lui confier les clés de Matignon l’année dernière, et qui serait aujourd’hui assez affranchi pour combattre le président avec une vigueur non exempte de dépit personnel.

François Bayrou ne sera pas le seul à creuser ce filon. À l’UMP, celle qui se rallie au panache de M. Sarkozy, on éprouve une telle colère depuis que M. Borloo prétend diriger le pays, qu’on lui promet de le soumettre à des tirs meurtriers. L’ancien ministre affiche un optimisme, un calme, une sérénité destinés à rassurer ceux qui seraient tentés de voter pour lui. Mais ce n’est pas un cynique. Il s’efforce, par une tenue plus soignée et de fréquents coups de peigne, d’apparaître comme un homme capable de prendre des décisions. Mais peut-être ne connaît-il pas toutes les chausses-trapes et autres pièges que ses concurrents, qu’il s’agisse de M. Bayrou ou de M. Sarkozy, sauront lui tendre. La politique étant cruelle par nature, M. Borloo devra encaisser beaucoup de coups, et risque de perdre sa réputation bon enfant dans des bagarres auxquelles il n’est pas vraiment préparé. En effet, sa candidature est le titillement qui réveille le dragon. On ne lui fera pas de quartier. Seule la gauche l’encouragera dans sa démarche parce que, plus la majorité actuelle sera divisée, plus le PS et ses alliés éventuels auront de chances de l’emporter.

Il y a un mystère Borloo. Il a bâti sa notoriété sur son bilan de maire de Valenciennes, ville qu’il a tirée d’une torpeur mortelle et dont il a fait un brillant exemple pour les autres cités. Ce n’est pas un mince résultat. Il n’a pas été un mauvais ministre, mais a promis souvent plus qu’il ne pouvait accorder, notamment en matière d’environnement. Comme ceux de ses collègues du gouvernement qui ont été remerciés, il n’avait pas toujours le financement de ses promesses. Mais personne à droite ne le croyait dangereux. Le voilà qui se transforme du jour au lendemain en poil à gratter du pouvoir, qu’il exaspère littéralement. Voilà que le « gentil » Borloo devient un risque mortel pour la réélection du président de la République. Avant même que le sort n’en décide, ce serait déjà un beau résultat s’il n’en disait pas des volumes sur la solidité des amitiés en politique.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8982