LE QUOTIDIEN – Vous venez de rendre à Xavier Bertrand et Valérie Pécresse votre rapport sur « les métiers en santé intermédiaires » (« le Quotidien » du 3 février). Vous écrivez vous-même que cette question doit être « tranchée ». Que faut-il mettre en œuvre pour faire avancer le dossier ?
LAURENT HÉNART – Il ne s’agit plus tant de « trancher » que de « négocier », dans le cadre d’un protocole national, ce n’est pas tout à fait pareil. Aujourd’hui, pour faire en sorte que des spécialités, des territoires… ne se trouvent pas coupés de l’accès aux soins, il faut aller vers ces professions intermédiaires. De quoi s’agit-il ? De paramédicaux, au départ BAC +3 et à qui on va proposer des formations à BAC +5 (le niveau master), ce qui permettra de leur confier, dans le cadre d’une délégation nationale organisée, des tâches que les médecins assurent jusqu’ici. J’insiste sur le fait que cela se fera dans un cadre national, c’est une garantie – en particulier, et c’est essentiel, en matière de RCP. Je mets également l’accent sur le fait que les délégations de tâches se feront dans des domaines ciblés : le cancer, les transplantations, la chirurgie, la médecine générale notamment en secteurs peu denses, les maladies du vieillissement et les maladies chroniques.
Mesurez-vous le temps nécessaire pour qu’arrivent sur le marché du travail les premiers de ces nouveaux diplômés ?
Je pense qu’en ciblant six domaines de santé, on circonscrit le problème. À mon sens, la négociation peut facilement être conduite dans la mesure où tout le monde y trouvera son compte. Pour les paramédicaux, c’est une possibilité de progression, une étape professionnelle supplémentaire ouverte à ceux qui le souhaitent. Quant aux médecins, qui seront associés aux discussions, ils n’ont pas à faire face à une nouvelle négociation du code de la santé, c’est beaucoup plus simple, il n’est nul besoin d’une modification de la législation ou de la réglementation ! Il faut négocier le protocole, construire un cadre sécurisé et opérationnel et, ensuite, mettre en place un mécanisme de suivi.
J’ajoute qu’en pratique, pour certains nouveaux métiers, on sera davantage dans la validation d’acquis professionnels : certains n’auront à faire qu’une partie du master. En tout état de cause, en deux ans au plus, les premiers diplômés peuvent sortir.
Cela signifie que si la décision politique est prise d’ouvrir des négociations, les nouveaux métiers pourraient exister à l’horizon 2014 ?
Oui, d’ici à trois ans, c’est possible. Et c’est même un peu ce qui était demandé à ma mission. Les projections démographiques nous disent que l’on va revenir seulement en 2030 au nombre de médecins dont la France disposait en 2000. Alors il ne s’agit pas de bâtir un système éternel mais vingt ans, c’est long ! L’idée est donc de faire évoluer les choses en favorisant le désengagement de certains médecins de certaines tâches (techniques, très répétitives, très normées, très cadrées) et d’instaurer une rotation de certains métiers paramédicaux (au sein desquels actuellement, au bout de quelques années, les gens peuvent s’essouffler et quitter la carrière).
Les médecins, dont on imagine que vous les avez auditionnés, sont-ils prêts à voir émerger ces métiers hybrides ?
Nous avons au moins auditionné les associations, l’Ordre, les syndicats. Leur position est de dire que si le but des opérations est de faire des économies, il n’est pas question pour eux d’y adhérer. Mais ce qu’on espère, c’est que la garantie de la qualité et de l’accès aux soins que nous proposons se fera au mieux à budget constant. Je dis aussi aux médecins : vous voyez bien le débat sur l’offre de soins, sur l’installation ; la pression monte – vous entendez ceux qui veulent appliquer à la médecine libérale le schéma des pharmaciens – ; l’émergence de ces nouvelles professions donnera de la souplesse et de la réactivité au système, elle protégera votre liberté d’exercice !
Et les pouvoirs publics ? Quand on voit le mal qu’ont les infirmières anesthésistes à faire avancer leur revendication d’accéder au niveau Master (dans le cadre de la réévaluation plus générale du statut infirmier), on peut se demander s’ils sont réellement prêts à voir émerger des statuts intermédiaires…
Justement, c’est peut-être une solution. On est dans une démarche où on réingénirie, où on redéfinit la formation initiale des paramédicaux afin de la rendre compatible avec la filière LMD [Licence, Master, Doctorat]. Aujourd’hui, les gens ne savent pas trop comment leur diplôme va se situer dans ce système du LMD, cela crée de l’inquiétude ; en discutant tout de suite de la réingénirie de ce diplôme existant mais aussi en réfléchissant à ce dont on a besoin pour aller vers de nouveaux métiers, le parcours est complet. Ce travail d’universitarisation des diplômes paramédicaux permettra de dépassionner le débat.
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