LES AUTORITÉS PUBLIQUES vont-elles revoir leurs objectifs en matière de qualité de l’air ? C’est ce que font espérer les conclusions peu rassurantes d’une des plus vastes études de cohorte européenne sur l’influence de la pollution atmosphérique sur la croissance fœtale chez 74178 parturientes entre 1994 et 2011. Cette métaanalyse européenne, dénommée ESCAPE (pour European Study of Cohorts for Air Pollution Effects) coordonnée par l’équipe Inserm grenobloise de Rémy Slama s’est appuyée sur les données de 14 études de population dans 12 pays européens. Les concentrations en polluants ont été mesurés à l’adresse du domicile de chaque femme, la densité du trafic sur la route la plus proche et le volume total de trafic sur toutes les routes principales dans un rayon de 100m autour du lieu de résidence. Les résultats sont sans appel.
Neurodéveloppement et croissance in utero
Les particules fines en particulier, provenant des gaz d’échappement, des émissions liées au chauffage et aux activités industrielles, sont pointées du doigt. Chaque augmentation de 5 µg/m3 en particules fines (PM 2,5) de l’exposition pendant la grossesse majore de 18% le risque d’hypotrophie (poids de naissance‹2500g). Les effets des particules fines se feraient sentir sur la croissance fœtale, même pour des concentrations inférieures à 25 µg/m3, la limite fixée par les normes européennes. D’autres polluants atmosphériques sont concernés également, à un moindre degré. Il s’agit des particules inférieures à 10 µm (PM 10) et de celles ayant un diamètre compris entre 2,5 et 10 µm (PM 2,5-10), mais aussi le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote.
À l’échelon politique et individuel
La pollution atmosphérique, en particulier les particules fines et la densité du trafic, est ainsi associée à un risque d’hypotrophie et à une réduction du périmètre crânien à la naissance, après ajustement sur le tabagisme, le poids et le niveau d’éducation maternels. Si les mécanismes physiopathologiques exacts de la pollution sur la santé fœtale restent mal connus, plusieurs hypothèses sont lancées. Si la réduction du périmètre crânien suggère un effet sur le développement neurologique, les polluants pourraient avoir des effets perturbateurs endocriniens, altérer les échanges placentaires et/ou encore entraîner un stress oxydatif.
Dans l’étude ESCAPE, les taux d’exposition moyens aux PM 2,5 pendant la grossesse variaient selon la zone entre 10 et 30 µg/m3. Les chercheurs ont estimé que si les niveaux de PM 2,5 étaient réduits à 10 µg/m3, c’est-à-dire la valeur cible définie par l’OMS, il en résulterait une diminution de 22% des cas de petits poids de naissance. Pour Rémy Slama, l’auteur principal, l’étude pourrait se résumer ainsi : « Une proportion importante des cas de petit poids de naissance pourrait être évitée en Europe si la pollution de l’air urbain (…) diminuait ». En attendant que des normes plus exigeantes entrent en vigueur, Jonathan Crigg, un scientifique londonien spécialiste de la qualité de l’air, a appelé dans un éditorial à donner des conseils de bon sens aux femmes enceintes, comme par exemple éviter au maximum les situations à haut risque d’exposition, tels que les carrefours de circulation. « Ces petits changements de comportement pourraient réduire significativement l’exposition aux particules fines issues du trafic routier ».
The Lancet Respiratory Medicine, publié en ligne le 15 octobre 2013
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