La fin de l’obligation vaccinale contre le Covid est « une déception » et ressemble à un « renoncement », a réagi auprès de « France info », le Pr Yves Buisson, président de la cellule Covid à l’Académie de médecine. Comme lui, de nombreux professionnels expriment leur opposition à cette annonce qui signe la réintégration des soignants non vaccinés suspendus.
Sur Twitter, le sénateur Bernard Jomier, généraliste de profession, dit regretter une « décision précipitée » : « "Fortement recommander" aux soignants une vaccination c’est en admettre l’intérêt pour les patients à protéger. Alors l’obligation s’impose ou alors on trahit les plus vulnérables », juge-t-il. Pour le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S, cette décision « va impacter négativement les futures campagnes vaccinales ». Et d’avertir les autorités : « Ne comptez plus sur nous pour les campagnes vaccinales. »
La fin de l’obligation de vaccination contre le Covid-19 pour les soignants et l’ensemble des professionnels concernés, après 18 mois d’application, fait suite à un avis favorable de la Haute Autorité de santé (HAS), publié le 30 mars, qui met également fin à l’obligation vaccinale contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.
Le ministre François Braun s'est engagé à suivre « rapidement » l’avis de « cette autorité scientifique », sans attendre celui du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), également saisi sur l'acceptabilité sociale et les conséquences. Le ministre a promis de lancer une concertation « dans les prochains jours ou semaines », selon son entourage, avec les fédérations hospitalières et les ordres des professions de santé pour définir les modalités de mise en œuvre de la décision.
La levée envoie de « mauvais messages »
Cette levée « ne constitue en rien une remise en question de ses précédents avis et recommandations rendus dans des contextes sanitaires et épidémiques différents », ni de « l’intérêt de cette vaccination, que ce soit en milieu professionnel ou en population générale », explique la HAS, justifiant sa position par la dynamique épidémique actuelle et la couverture vaccinale importante des professionnels.
Mais, pour le Pr Buisson, cette décision envoie de « mauvais messages » : un premier suggérant que l’épidémie touche à sa fin, « ce qui est faux », un deuxième sous-entendant que « les vaccins n’ont pas d’utilité, ce qui est faux » et un troisième, « peut-être le plus regrettable », laissant penser que « les soignants peuvent choisir ce qui est bon et ce qui n'est pas bon pour eux afin de protéger les malades dont ils ont la charge ».
Plusieurs pays sont déjà revenus sur l'obligation vaccinale, comme l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis et l'Australie, tandis que d’autres, notamment la Suède, la Suisse, l'Espagne et le Portugal, n'y ont jamais eu recours. En France, l’obligation a entraîné la suspension d’environ 0,3 % des effectifs hospitaliers, selon le ministère, et de moins de 2 000 soignants libéraux (à la mi-mars, selon l'Assurance-maladie). La question de leur réintégration est au cœur d’une bataille politique.
L’Académie plaide pour une vaccination annuelle et obligatoire contre la grippe et le Covid
Dans un communiqué, l’Académie de médecine rappelle que « le métier de soignant n’est pas un métier comme un autre et qu’il impose un engagement moral respectueux du principe "Primum non nocere" ». Les obligations vaccinales sont « des mesures préventives indispensables » qui « font l’honneur » de la profession, est-il ajouté.
À rebours de la HAS, l’Académie recommande que les vaccinations annuelles, « chaque automne », contre la grippe et contre le Covid « soient incluses dans les obligations vaccinales des professionnels exerçant dans les secteurs sanitaire et médico-social ». Alors que la vaccination antigrippale des professionnels de la santé est « fortement recommandée depuis plusieurs décennies », les taux de couverture vaccinale « demeurent très faibles, estimés entre 22 et 26 % en mars 2022 », relève-t-elle, actant un « constat d’échec » qui « justifie le rétablissement de l’obligation vaccinale, adoptée en 2006 avant d’être malencontreusement suspendue la même année ».
De son côté, la Fédération hospitalière de France (FHF) « prend acte » des décisions de la HAS et du ministre et échangera « prochainement » avec le gouvernement afin de « préparer les prochaines étapes » dans la réintégration des soignants non vaccinés à l’hôpital public. « Je tiens à dire clairement que la suspension de l’obligation n’enlève rien à l’efficacité des vaccins : ils restent fortement recommandés pour les personnes à risque, mais aussi pour les professionnels de l’hôpital », commente le Dr Arnaud Robinet, président de la FHF, dans un communiqué. La décision de la HAS est « une nouvelle étape », poursuit-il, appelant à « rester vigilants vis-à-vis du Covid, mais aussi de toutes les épidémies qui arrivent et qu’il faut prévenir. »
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