« IL Y A UN vrai problème de formation des professionnels de santé qui doivent envisager la diversité des méthodes contraceptives de manière plus souple et plus adaptée », expliquait dans nos colonnes (le 12 septembre) Nathalie Bajos, responsable scientifique de l’enquête Fecond. Les femmes sont de moins en moins nombreuses à prendre la pilule ? Elles ne se tournent pas pour autant vers d’autres méthodes ? Le stérilet reste majoritairement réservé aux plus de 40 ans avec enfants ? La faute aux gynécologues et aux généralistes, dénonce l’étude. Chiffres à l’appui : 69 % des gynécos et 84 % des généralistes considèrent que le stérilet n’est pas indiqué pour les nullipares contrairement aux recommandations de la Haute Autorité de santé de 2004.
Certains spécialistes ne désavouent pas le constat et accusent généralistes, infirmières et sages-femmes, de « prescrire la pilule sur un coin de table ».
« Il faut renforcer leur formation pratique, en continu. On multiplie les moyens de prescrire la pilule, et on se plaint qu’il n’y ait pas de diversification ! Ce ne sont pas les infirmières qui vont poser un stérilet », s’agace Jean-Claude Magnier, président de l’association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (ANCIC). Ex-présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, le Dr Brigitte Letombe, estime aussi que la contraception ne peut pas être confiée à un personnel soignant peu formé. « Le professionnel doit connaître les dosages, passer du temps à adapter la méthode à la femme. Une formation médicale de généraliste ne suffit pas ; même un an de formation diplômante ne peut pas correspondre à quatre ans de spécialisation », explique-t-elle.
Les généralistes n’ignorent pas ces attaques. Le Dr Céline Fleury, médecin de santé publique puis généraliste, travaille en centre de santé à Aulnay-sous-bois, sur 2 sites : l’un au cœur des cités, l’autre en centre-ville. « C’est vrai que la formation théorique en gynécologie est insuffisante dans le cursus de généraliste. Lors du stage dans un service de gynécologie, du moins il y a quelques années, les internes étaient incités à gérer les urgences et avaient parfois du mal à assister aux consultations ».
« Pour répondre aux besoins sur le territoire », elle a décidé de s’inscrire au diplôme inter-universitaire (DIU) de gynécologie à l’Université Pierre et Marie Curie de Paris. « Il existe un vrai problème d’accès aux soins : il n’y a plus de gynécologues libéraux, l’hôpital est en surchauffe, et le secteur 2 est hors de portée de la population que je reçois », explique-t-elle. « En outre, tous les généralistes ne font pas de gynécologie : la tarification est loin d’être attrayante ». Elle y consacre aujourd’hui un tiers de son activité et sa casquette de généraliste est, assure-t-elle, gage de proximité : elle peut entamer un dialogue avec des femmes qui ne franchissent jamais la porte d’un cabinet de spécialiste.
Le Pr Serge Uzan, doyen de la faculté Pierre et Marie Curie et créateur du DIU, va plus loin. « La contraception, la prévention et le dépistage ne relèvent pas en première intention des spécialistes. Les soins de premier recours doivent reposer sur les généralistes, qui peuvent couvrir toute la population ». Le gynécologue-obstétricien n’a pas de mots trop chaleureux pour saluer leur travail. « Les jeunes étudiants sont très motivés et ont le sens de leurs responsabilités : ils connaissent aussi leurs limites et savent passer la main ».
« L’amphithéâtre est plein. Depuis que je suis en charge de l’enseignement en 2006, il y a de plus en plus de monde », corrobore Nathalie Chabbert-buffet, professeur d’endocrinologie à Tenon. Près de 6 000 généralistes, des femmes surtout, ont suivi le DIU de Paris VI depuis dix ans.
Accès aux soins et déremboursement
La formation des soignants n’explique pas, à elle seule, les faillites de la contraception. Pour justifier l’hégémonie des prescriptions de pilule sur les autres moyens de contraception, les médecins avancent d’autres facteurs, d’abord scientifiques. « Le patch et l’anneau présentent les mêmes risques thromboemboliques et contre-indications que les pilules. L’implant n’est pas forcément bien toléré, notamment chez les patientes qui ne peuvent pas avoir de progestatif », précise le Dr Brigitte Letombe. Quant au dispositif intra-utérin, « la pause reste délicate, surtout chez les jeunes filles, le multipartenariat est un problème ». « On ne devrait pas systématiquement taper sur la pilule : ce n’est pas étonnant que les femmes s’en détournent. Mais on n’a pas trouvé d’alternative miracle » prévient le Dr Magnier.
Les professionnels appellent tous à la mise en place d’une éducation à la sexualité et à la vie affective à l’école, afin de changer l’imaginaire qui entoure la contraception. Reste enfin le récurrent obstacle financier, qui pèse lourdement sur l’accès aux soins. « Je ne peux pas prescrire de patch ni d’anneau : je suis obligée, à 90 %, de conseiller des moyens remboursés », résume le Dr Céline Fleury. À ce titre, l’annonce du déremboursement des pilules de 3e génération a soulevé un vent de protestation au sein de toute la profession (voir encadré).
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