LA RUMEUR disait que cette promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, sans cesse repoussée depuis 2007, ne serait pas tenue. Sensible à « la dignité des vieux », le chef de l’État a tordu le cou mardi à ces « on-dit », à l’occasion de son intervention télévisée : avec la fiscalité et l’emploi des jeunes, la dépendance est bel et bien à l’ordre du jour des 18 mois qui le séparent de la fin de son quinquennat (lire également notre analyse politique en page 12). Sur ce dossier, outre qu’il s’attaque aux questions de financement pur, l’Élysée veut réduire le reste à charge des assurés dans les maisons de retraite et favoriser le maintien à domicile des personnes dépendantes.
Le programme de ce que le président a qualifié d’« affaire considérable » est déjà tracé dans ses grandes lignes : confiée à la nouvelle ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, une « grande consultation » va s’ouvrir et durer six mois ; les interlocuteurs de Roselyne Bachelot seront « les conseils généraux, (...) les associations de personnes âgées, les forces syndicales ». Des « décisions » seront prises « à l’été 2011 » qui intégreront le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (le PLFSS 2012). En dépit de ce que l’on a pu croire un temps – les pouvoirs publics s’étant mis à évoquer un projet allégé d’« assurance-dépendance » –, l’objectif reste celui affiché en 2007 : l’instauration d’un « 5e risque » au sein de la Sécurité Sociale, une branche venant s’ajouter à celles de la maladie, des accidents du travail, de la famille et de la vieillesse.
Une greffe délicate.
Sauf que par les temps économiques qui courent (en mal de recettes, la Sécu affichera à la fin de l’année un « trou » de 23,2 milliards d’euros), greffer une cinquième branche au système de protection sociale apparaît comme une entreprise délicate. Et plus encore quand, en lutte contre les déficits, le gouvernement a déjà laissé entendre que les dernières réformes du quinquennat ne devront pas coûter un sou à l’État. Comment alimenter une « cinquième caisse » – destinée, entre autres, à soulager les départements du poids croissant de leurs dépenses liées à la dépendance (ils financent à 70 % l’allocation personnalisée d’autonomie – APA, dont le volume, 5,2 milliards d’euros en 2010, augmente de 4 % par an) ? Les sommes en jeu sont énormes : la dépense publique paye aujourd’hui la dépendance à hauteur de 21,5 milliards d’euros (voir graphique) et ce budget atteindra 30 milliards en 2025.
« Ce sont des problèmes extrêmement lourds », a reconnu mardi le président. Sans vouloir préjuger des solutions qui seront retenues dans un an, il s’est interrogé sur l’opportunité d’« obliger les gens à s’assurer », sur celles d’augmenter la CSG payée par les retraités ou de mettre en œuvre des « recours sur succession ». Trois recettes proposées, parmi d’autre, par la mission parlementaire Rosso-Debord l’été dernier (« le Quotidien » du 29 juin) et auxquelles se sont ajoutées depuis de nouvelles suggestions – le député radical Laurent Hénart s’est positionné pour la création d’une seconde journée de solidarité en faveur des personnes âgées ; le deuxième rapport Attali, rendu public en octobre, a défendu un recentrage de l’APA sur les personnes âgées les plus dépendantes…
Vers une bataille rangée.
Les débats s’annoncent vifs. Roselyne Bachelot a déjà affirmé ses préférences, mercredi à l’Assemblée, exigeant notamment que le financement de la dépendance ne repose pas sur les descendants. Les assureurs, dans les starting-blocks, se sont dits le même jour favorables à un système de couverture universelle du risque dépendance : « Notre choix est celui d’un système universel qui couvre tout le monde », a indiqué le président de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), Bernard Spitz, qui a plaidé pour l’intervention de « la solidarité nationale pour les plus démunis », puis au-delà d’un certain revenu, pour une contribution des assurés eux-mêmes. Les associations de personnes âgées et de personnes handicapées sont quant à elles intervenues pour défendre le principe de la solidarité nationale. Histoire de corser un peu l’affaire, on peut se souvenir que, dès l’été dernier, Xavier Bertrand (devenu entre-temps ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé) avait affiché son hostilité à une hausse de la CSG des retraités.
En tout état de cause, par différents canaux, les médecins peuvent s’attendre à être sollicités dans le cadre de la future réforme. Le rapport Rosso-Debord, qui semble servir de base aux travaux préparatoires du gouvernement, avait insisté sur la nécessaire sensibilisation du corps médical à la dépendance, prévu l’instauration d’une consultation gratuite « de longévité » (rémunérée 2,5 C) ou le développement de la télémédecine dans les maisons de retraite. Il avait également prévu de soumettre les professions libérales à la contribution solidarité autonomie (CSA).
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