Créée en 2016, mais particulièrement sous les feux des projecteurs depuis le début de la crise sanitaire, l'agence nationale Santé publique France (SPF) fait preuve d'une gestion « perfectible » et pâtit d’outils de surveillance épidémique « obsolètes », tacle la Cour des comptes. Dans un rapport publié le 12 décembre, à la suite d'une requête de la commission des Affaires sociales du Sénat, la juridiction invite SPF à « mieux définir » sa stratégie.
« Faiblesse des dispositifs »
Malgré des débuts compliqués jusqu’en 2019, la Cour des comptes salue la « réactivité » et la « souplesse » de SPF pendant la crise sanitaire. « Les stocks stratégiques, que SPF constitue à la demande de l’État, ont complètement changé de dimension, avec en particulier une accumulation importante d’équipements de protection individuelle (masques, gants, surblouses) », note la Cour. Elle précise aussi que le montant de ce stock a « connu un changement de dimension inédit, passant de moins de 200 millions d’euros à plus de 2,3 milliards entre fin 2019 et fin 2021 ».
Toutefois, la surveillance épidémique a souffert de la « faiblesse des dispositifs », indiquent les magistrats. Par exemple, pour effectuer la veille syndromique, SPF utilise le dispositif « SurSaUD » (surveillance sanitaire des urgences et des décès), qui regroupe des données issues des services d’urgences, de SOS Médecins et de 3 000 communes fournissant des statistiques de mortalité. Or, « SurSaUD pâtit d'ancienneté », à quoi s’ajoute « le déploiement encore limité de la certification électronique des décès, puisqu’elle ne concernait que 27 % de ces derniers en 2020 », souligne le rapport.
150 dispositifs de surveillance
Si certains outils de surveillance épidémique sont perfectibles, SPF a su se réinventer l’aune de la pandémie, salue la rue Cambon, grâce au lancement de Sidep ou de Géodes, observatoire cartographique de l’épidémie. Actuellement, SPF déploie plus de 150 dispositifs de surveillance – dont 52 pour les maladies infectieuses et 87 pour les maladies non transmissibles.
Aussi, la Cour des comptes recommande à SPF « d’évaluer et d’analyser la pertinence » de ces outils afin de mieux anticiper les futures alertes sanitaires. L’agence pense déjà à étendre le Sidep « à un plus vaste panel de résultats de biologie médicale » ou à « renforcer la surveillance syndromique, en y intégrant les données issues de l’activité des Samu ».
Réserve sanitaire « inadaptée »
Autre activité dans le giron de SPF : la gestion de la réserve sanitaire. Et sur ce point, les conclusions de la Cour des comptes sont sévères. « La réserve sanitaire n’a pas été en mesure de contribuer de manière déterminante à la lutte contre l’épidémie » de Covid, critique le rapport, qui indique que ce renfort de personnel médical est « inadapté aux crises de grande ampleur ».
Entre 2019 et 2021, le nombre de jours mobilisés de réserve sanitaire est passé de 6 700 à 78 700. Sauf que ce vivier aurait été en « inadéquation » avec les besoins exprimés. En effet, les professionnels de santé de la réserve sanitaire étaient, pendant la crise, déjà mobilisés ailleurs, y compris les retraités. La Cour pointe également des facteurs financiers. « Les indemnités forfaitaires prévues pour les médecins réservistes sont inférieures aux conditions de rémunération des médecins spécialistes dans le cadre de la campagne de vaccination », illustre la juridiction. Avec seulement 6 % de libéraux réservistes, elle invite à revoir les montants des indemnités, mais aussi les délais de paiement qui se sont avérés « beaucoup trop longs ».
Affiner les priorités de santé publique
Plus globalement, c’est la stratégie de SPF qui doit être « clarifiée, articulée », indique le rapport. La Cour regrette le manque d’objectifs chiffrés sur l’efficience du pilotage de cette agence de santé publique. Elle recommande à SPF « d’affiner » ses priorités d’action.
Dans son rapport, la Cour des comptes cible aussi l’exécutif. Elle note que, pendant la crise, « l’expertise de SPF a été sous-utilisée par le ministère de la Santé, qui privilégie souvent d’autres organismes – en particulier le Haut Conseil de la santé publique ». Sans compter « la création de plusieurs structures ad hoc pendant la pandémie », comme le Conseil scientifique qui a contribué « à faire passer au second plan l’expertise propre de l’agence ». Une façon de reconnaître en creux les qualités de SPF. La Cour des comptes invite donc à « mobiliser davantage » l’expertise de cette agence. Elle souhaite que SPF puisse s’autosaisir pour formuler des recommandations de santé publique et palier « les faiblesses structurelles de la recherche en santé publique en France ».
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