COMME JACQUES CHIRAC en son temps, Nicolas Sarkozy ne fait que son métier : il aide les entreprises françaises à exporter et donc à maintenir en France les emplois qualifiés. Hu Jintao a lui-même admis que la France n’est pas seulement le pays de Voltaire, c’est celle du TGV et d’Airbus. Au moment où nous traversons la crise économique la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale et où la croissance chinoise est de 10 % par an, comment faire autrement qu’exporter vers cet immense pays ce qu’il ne sait pas encore faire ? Sur ce point, la démarche du gouvernement est logique, et même imbattable.
Transferts de technologie.
Nos ventes de centrales nucléaires et d’avions de ligne s’accompagneront néanmoins de transferts de technologie, ce que M. Sarkozy, pour aboutir à un résultat sonnant et trébuchant, a accepté assez vite. Sans doute ne sommes-nous pas en mesure de dicter nos conditions à Pékin, d’autant que nous ne sommes pas les seuls sur le marché chinois. Ce n’est pas critiquer la politique française du commerce extérieur que de constater, en même temps, les abandons qu’elle implique, non seulement à propos des transferts de technologie qui garantissent que, à terme, les Chinois construiront les centrales et les appareils que nous leur vendons aujourd’hui, mais aussi à propos des droits de l’homme dont on ne peut pas vraiment dire qu’ils aient progressé dans la Chine de 2010. Le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a laissé entendre récemment qu’il fallait accorder plus de liberté à ses concitoyens. Pourtant, pendant tout le séjour de Hu Jintao, la consigne aura été, aussi bien du côté de la délégation chinoise que des autorités françaises, de ne pas parler du dissident Liu Xiaobo, qui est en prison et a reçu le prix Nobel de la paix. Les manifestations, rares et peu nombreuses, qui se sont déroulées en France pour évoquer le sort de Liu, étaient, de ce point de vue, pathétiques : si Liu a appris la distinction qui lui a été décernée, il ne risque pas d’aller la chercher lors de la remise des prix Nobel.
NOUS RISQUONS D’ÊTRE CONTAMINÉS PAR LE MODÈLE CHINOIS
Bref, on pourrait dire, si l’on était cynique, que la réforme des régimes de retraite met dans la rue française beaucoup plus de monde que le sort sinistre d’un dissident chinois. De ce point de vue, le dalaï-lama, éternel optimiste, ne verra pas l’autonomie du Tibet de son vivant. Et les Ouighours subiront le diktat des Han. Ce qui est particulièrement grave en la matière, ce n’est pas que la Chine en se développant à un rythme sans précédent, sorte enfin de la misère et que le peuple chinois voie enfin la lumière au bout du tunnel, qu’il ait de l’espoir, de l’optimisme et du dynamisme. C’est d’une part que l’on ne négocie avec les Chinois que selon leurs propres termes, comme au bon vieux temps de la guerre froide ; qu’ils ne cèdent jamais rien dans quelque domaine que ce soit ; que, pour eux, le Tibet fait partie intégrante de leur territoire et que Taïwan devra, tôt ou tard, rejoindre le giron chinois. Et d’autre part, qu’ils se présentent comme une nation-continent et que leur modèle, exemplaire, devrait être adopté par le reste du monde : un capitalisme certes sauvage mais enrichissant, assorti de la main de fer du parti unique.
Le succès, preuve du bon choix.
Peut-on suggérer aux dirigeants de la Chine que, s’il est indéniable qu’ils sont de remarquables managers, ils ont eux aussi besoin d’un système social performant pour atténuer les inégalités entre riches, classe moyenne et pauvres ? Peut-on leur dire que même leur fabuleuse croissance risque de décélérer sans qu’ils aient résorbé de vastes zones de pauvreté sur leur territoire ? Peut-on, enfin, leur faire remarquer que le corollaire du bien-être matériel, c’est l’aspiration de tous les êtres humains à la liberté ? Pour le moment, ils n’en ont cure. Imensément fiers de leurs résultats ébouissants, ils y trouvent la récompense et la preuve de leurs vertus. Ils sont en outre habités par la peur d’une progression des droits de leurs concitoyens qui risquerait de se traduire par des prises de parole, des divisions, de la confusion, toutes nuisibles à l’effort d’un peuple tout entier voué aveuglément à la production dans des conditions de rétribution, de sécurité et de santé qui seraient insupportables en Occident.
L’expérience montre que nous commençons à nous habituer à l’insuffisance des libertés en Chine, parce que nous avons besoin de la Chine. Nous finirons par trouver, chez nous, des intellectuels qui voudront appliquer ici le modèle chinois. L’éventuelle domination de l’Occident par la Chine, alors, ne résulterait pas que de son développement économique, mais de la contamination d’un ou plusieurs pays par le système chinois.
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