FRAÎCHEMENT élu, Nicolas Sarkozy avait promis un débat national sur le financement de la santé, ce qui doit relever demain de l’assurance-maladie obligatoire et de la responsabilité individuelle. Trois ans plus tard, crise oblige, la question n’a jamais été reposée publiquement.
Cela n’empêche pas les acteurs concernés de réfléchir. Les enjeux sont connus : la France consacre 12 % de son PIB aux dépenses de santé. Or, si les régimes obligatoires financent 76,8 % de la consommation de soins et de biens médicaux (contre 13,8 % pour les complémentaires et 9,4 % pour les ménages), en réalité les efforts de l’assurance-maladie se concentrent sur les personnes en ALD et sur l’hôpital. A l’inverse, la médecine de ville « courante » est déjà largement déremboursée (55 % de couverture par la Sécu), façon d’ajuster le panier de soins sans révolution.
Dès lors, faut-il faire bouger les lignes ? Une table ronde réunissant des « payeurs » (CNAM, mutuelles, assureurs) et des experts, s’est tenue sur ce thème dans le cadre du Forum Économie Santé (co-organisé par « les Échos » et « le Quotidien »). Le consensus se fait sur deux points : les dépenses de santé ont vocation à augmenter ; mais il convient, avant de remettre de l’argent « au pot » chaque année, de vérifier que l’organisation du système de santé est efficiente, les soins de qualité assurés au meilleur coût, les gaspillages combattus…
Une fois le système rendu plus performant, qui finance quoi ? La question est conflictuelle. Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé à Sciences Po, soutient qu’il faut défendre l’assurance-maladie obligatoire, socle du pacte social. « À chaque fois qu’on transfère des dépenses (vers les complémentaires), on créé des déséquilibres », explique cet expert qui insiste sur la disparité des contrats complémentaires, la sélection des risques… Pas question de « découper en tranches » le système. Pour financer la santé, il assume l’idée d’une hausse des prélèvements obligatoires.
D’autres schémas existent. Daniel Laurent, de l’Institut Montaigne, think tank libéral, suggère de basculer toutes les cotisations vers une CSG santé mais surtout de remettre en cause le monopole de la CNAM en matière de gestion du risque. « Il faut expérimenter la mise en concurrence des caisses, ce qui permettrait de mettre davantage la pression sur les offreurs de soins. »
Sollicités pour financer la santé, mutuelles et assurances privées avancent en ordre dispersé. Alain Rouché, directeur santé de la FFSA (assurances) estime que des transferts intégraux aux complémentaires peuvent se justifier dès lors que ces organismes apportent une « valeur ajoutée » (tarifs, service rendu…). Il met en avant les réseaux de professionnels dans les domaines de l’optique et du dentaire « qui ont amélioré le rapport qualité prix ». Jean-Martin Cohen-Solal, directeur général de la Mutualité française, ne revendique pas la gestion de pans de soins au premier euro mais plaide pour une corégulation active avec le régime obligatoire « sur une base solidaire ». La FNMF a des projets en ce sens sur des maladies chroniques, elle développe aussi son réseau d’établissements avec des praticiens conventionnés à tarifs opposables.
Le terrain du financement de la santé est miné. Cette réforme peut-elle être conduite en même temps que celle de la dépendance ? Pour Frédéric van Roekeghem, directeur général de l’assurance-maladie, la situation « invite à regarder toutes les solutions ». Mais, ajoute-t-il en guise d’avertissement, « il n’est pas certain que d’autres modèles soient plus robustes que le nôtre ». « Avant de changer, dit-il,il faut y réfléchir à deux fois !»
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