Alors que les conséquences psychologiques de la pandémie sont indéniables et qu'Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de préparer un plan pour les prendre en compte, les représentants des organisations universitaires de psychiatrie et d’addictologie demandent dans un communiqué commun* des moyens humains et financiers pour la psychiatrie universitaire.
« L’impact de la crise sanitaire sur la santé mentale de la population est important, il pourrait devenir l’un des problèmes majeurs des années à venir », rappellent-ils. Les enquêtes se multiplient en effet pour mettre en évidence l'augmentation de la détresse psychique dans la population, des consommations de substances psychoactives, ou des pensées suicidaires, tout en identifiant des populations particulièrement à risque : les jeunes, les femmes, les sujets âgés ou les personnes en situation de handicap, les personnes confrontées à des difficultés économiques ou encore les soignants.
« Avant la crise du Covid-19, nous ne pouvions déjà pas faire face à toutes les demandes, la psychiatrie étant sinistrée de longue date ; l'insuffisance de nos moyens est encore plus criante aujourd'hui alors qu'il faut prendre en charge de nouveaux patients », dénonce le Pr Bernard Granger, président du Syndicat universitaire de psychiatrie (SUP) et co-signataire du communiqué. Sans compter que les grandes crises ont souvent des répercussions décalées sur l'état de santé des populations, en particulier, sur la santé mentale et le suicide, insistent les psychiatres.
Des PU-PH et des financements
« Nous alertons sur le risque qu’une fois de plus les besoins de la psychiatrie ne sont pas pris en compte, et parmi ces besoins, ceux de la psychiatrie et de l’addictologie universitaires », écrivent les spécialistes. Concrètement, ils demandent que la « psychiatrie ne soit plus l’une des disciplines où le taux d’encadrement des étudiants est le plus faible de toutes les spécialités médicales, et où la recherche est la moins financée de tous les pays européens ». Le Pr Granger en donne un exemple concret : « Le ratio entre le nombre d'internes et le nombre d'enseignant universitaire est 10 fois plus faible en psychiatrie qu'en cardiologie. »
L'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn avait fixé dans sa feuille de route de 2018 pour la santé mentale l'objectif d'au moins un PU-PH en pédopsychiatrie par faculté, en se donnant 3 à 4 ans. « Cette "cible" n'est toujours pas atteinte, et les quelques postes de chefs de clinique créés ne sont qu'une goutte d'eau », commente le Pr Granger.
Davantage de financement doit permettre d'améliorer l'attractivité de leur métier en même temps que l'accès aux soins de la population. « Nous demandons depuis des années la sanctuarisation des dotations annuelles de financement pour la psychiatrie, l'augmentation de nos moyens dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), l'arrêt des fermetures des lits », rappelle le Pr Granger. Les revendications sont connues, le constat est souvent partagé. « Mais les réponses ne sont que verbales, il y a un décalage entre les annonces et la réalité sur le terrain. Des mesures au compte-gouttes, du saupoudrage, ne peuvent répondre aux besoins », déplore le président du SUP. Qui espère aussi des moyens pérennes pour les structures de base qui maillent le territoire, et non seulement des enveloppes débloquées à travers des appels à projets.
Plaidoyer pour une campagne d'information
L'appel est d'autant plus pressant que le Ségur de la santé a déçu. Il n'a permis d'ouvrir qu'un nombre limité de postes de psychologues dans le secteur public, « dérisoire » selon le Pr Granger (160 dans les centres médico-psychologiques), alors que le chantier du remboursement des consultations psychothérapeutiques est à la peine. De son côté, la Fédération française d'addictologie regrette que la revalorisation salariale ne soit accordée qu'aux seuls titulaires du statut de la fonction publique hospitalière, laissant de côté d'autres professionnels à qualification identique, mais qui relèvent de conventions du médico-social, lorsqu'ils travaillent par exemple dans un CSAPA implanté dans un hôpital.
Les universitaires suggèrent enfin le lancement d'une large campagne d'information « qui permettrait à la population d’accéder à des messages généraux et favoriserait le fait que ceux qui en ont besoin, accèdent à une écoute et, le cas échéant, à des soins adéquats ».
Le délégué interministériel à la santé mentale et la psychiatrie Frank Bellivier devrait présenter très prochainement, une stratégie de suivi, de soutien et d'accompagnement de toutes les personnes qui sont en demande de soins, en réponse à la demande du Président de la République.
* Communiqué signé par la Pr Marie-Rose Moro, présidente du Collège national des universitaires de psychiatrie (CNUP), le Pr Raphaël Gaillard, président du Conseil national des universités (CNU) pour la psychiatrie adulte, ses homologues pour la pédopsychiatre la Pr Anne-Catherine Rolland et l'addictologie, le Pr Amine Benyamina, le Pr Bernard Granger, président du Syndicat universitaire de psychiatrie (SUP), la Pr Emmanuelle Corruble, présidente du Collège national pour la qualité des soins en psychiatrie (CNPP-CNQSP) et le Pr Olivier Cottencin, président du Collège national universitaire des enseignants d'addictologie (Cunéa).
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