En mai 2012, le Tribunal de grande instance (TGI) de Cologne (Allemagne) a déclaré la circoncision illégale, considérant qu’il s’agissait d’une atteinte à l’intégrité physique des enfants. Mais le 12 décembre 2012, le Bundestag a voté une loi autorisant la circoncision pour motifs religieux, tout en l’encadrant avec le devoir de « respecter les règles de la médecine et de traiter efficacement la douleur ».
Le 8 octobre 2013, le Conseil de l’Europe dans sa résolution 1952 invite les états membres à prendre des mesures contre les « violations de l’intégrité physique des enfants » dont la circoncision des jeunes garçons pour motifs religieux (avec les mutilations génitales féminines, les interventions médicales à un âge précoce sur les enfants intersexués, les piercings et les tatouages, les opérations de chirurgie plastique).
Devant les vives contestations des communautés juives et musulmanes, le comité des ministres en mars 2014 note que « la protection des enfants contre les risques des opérations et interventions non justifiées médicalement est prévue par des instruments internationaux existants [et donc] estime inutile pour l’instant toute activité normative supplémentaire ». Il s’est informé « de la situation juridique des États membres en ce qui concerne la circoncision. Les réponses obtenues ont permis de constater que de nombreux pays font particulièrement attention aux conditions dans lesquelles se déroulent de telles interventions afin de limiter tout risque pour la santé et le bien-être de l’enfant. ».
En France, pour la circoncision rituelle, l’on pourrait se poser la question d’un acte chirurgical sans fondement thérapeutique mais comme l’a rappelé Madame Christine Grapin-Dagorno lors du congrès de l’AFU de 2012, « il existe une tolérance sur le plan pénal. La circoncision ne peut recevoir de qualification pénale car, d’une part, elle a reçu la permission de la loi du fait de la coutume, l’une des sources du droit, d’autre part elle n’a jamais été remise en cause par les tribunaux français ».
Le Conseil d’État en 2004, rapporte que la circoncision rituelle constitue une pratique religieuse, dépourvue de tout fondement légal, mais néanmoins admise.
Dans une interview accordé au magazine Information Juive, en octobre 2012, Manuel Valls alors ministre de l’Intérieur et ministre des Cultes déclare que « le débat sur la remise en cause de la circoncision relève de la méconnaissance la plus totale de ce que sont l’identité et la culture juive. Une telle remise en cause est idiote et indigne. En France, la liberté de pratique vaut pour toutes les religions dans le cadre prévu par la laïcité. ».
Dans notre pays, aucune loi n’interdit donc la circoncision, quels conseils peut-on alors donner, devant une demande de circoncision de la part de parents ?
Que dit la loi ?
La notion de consentement est essentielle dans ce cadre, et il faut ici rappeler la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dite loi Kouchner.
Cette loi a introduit le concept de « démocratie sanitaire » et rend le patient acteur de sa santé avec la nécessité absolue d’information, de consentement et de codécision.
Article L1111-2 Code de la santé publique (CSP) :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel… »
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
Le cas des mineurs
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur… Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle.
Le consentement du mineur doit être systématiquement recherché, s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.
Les parents divorcés ou séparés exercent en commun l’autorité parentale et ils doivent tous deux être prévenus et consultés pour une décision grave concernant l’enfant.
Aucune situation de fait ou de droit ne peut priver l’un des deux titulaires de l’autorité parentale de tout ou partie de l’information concernant son enfant. En particulier, l’un des deux parents ne peut demander au médecin de ne pas révéler certaines informations concernant le mineur à l’autre.
L’article 372-2 du Code civil précise néanmoins qu’à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant.
Dans ces conditions, lorsqu’il existe un phimosis et que la circoncision est médicalement indiquée (posthectomie), cette chirurgie peut être considérée comme un actuel usuel et le consentement d’un parent peut suffire (TGI Paris, 6 novembre 1973). Néanmoins, le dossier doit être complet et comporter la lettre du médecin traitant mentionnant le phimosis, la traçabilité des informations délivrées sur la nature de la chirurgie, ses conséquences, son irréversibilité et ses complications sans omettre les alternatives thérapeutiques et en particulier la possibilité d’utilisation de corticoïdes locaux.
S’il est apte à exprimer sa volonté, le consentement de l’enfant doit être recherché.
La posthectomie est prise charge par l’assurance-maladie.
Consentement des deux parents
Dans le cas d’une circoncision rituelle ou de convenance, celle-ci s’inscrit aussi dans le cadre de la loi Kouchner, la commission nationale des accidents médicaux ayant conclu qu’« il n’est pas possible d’exclure du champ d’application de la loi les actes médicaux sans finalité thérapeutique directe, qu’il s’agisse de chirurgie esthétique ou d’actes médicaux à finalité cultuelle ». Mais dans cette situation, elle est, par contre, considérée comme un acte grave (Cour d’appel [CA] Paris, 29 septembre 2000, CA Lyon, 2007), comme un acte non usuel de l’autorité parentale (CA de Rennes, 4 avril 2005) et le consentement écrit des deux parents est alors nécessaire. Par conséquent, un père ou une mère isolée ne peut exiger de pratiquer cette chirurgie. Dans ce cas la responsabilité du chirurgien peut être retenue (CA Paris, 29 septembre 2000).
En outre, la circoncision rituelle ou de convenance n’est pas remboursée au titre de l’assurance-maladie.
Lors d’une question écrite au gouvernement en 2008, la ministre de la Santé Madame Roselyne Bachelot interpellé par Madame la Député Valérie Boyer, avait répondu : « Le champ de l’assurance-maladie défini par l’article L. 321-1 du Code de la Sécurité sociale couvre les soins nécessaires au maintien ou au rétablissement de l’état de santé des personnes. Il en est ainsi des actes thérapeutiques destinés à la réduction d’un phimosis. En revanche, la circoncision rituelle pour motifs religieux n’entre pas dans ce cadre, de même que les actes médicaux pratiqués pour d’autres motifs personnels, esthétiques ou de confort. » Et lors d’une interview sur Radio Monte-Carlo qu’il n’était « pas question de rembourser la circoncision réalisée pour raisons religieuses, et que faire passer une circoncision religieuse pour un acte médical était une fraude à la Sécurité sociale ».
D’autre part, une circoncision rituelle ou de convenance n’est ni une urgence, ni une chirurgie obligatoire et tout chirurgien est libre de refuser de la pratiquer.
En conclusion, aucune loi n’interdit la circoncision en France, et pour cette chirurgie qui doit garantir aux enfants la meilleure prise en charge médicale possible dans le but d’éviter les complications et assurer une bonne gestion de la douleur, l’écueil pour le chirurgien est le recueil du consentement.
Mougins
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