Deux mois après leur accouchement, 16,7 % des femmes présentent des symptômes d'une dépression du post-partum, évalue pour la première fois l'Enquête nationale périnatale (ENP) 2021, menée sous la direction de l'Inserm et publiée ce 6 octobre.
Cette enquête, la sixième depuis 1995, a été conduite* en mars 2021 auprès de 12 723 femmes dans quasiment toutes les maternités de métropole (456 sur 459, + les 6 maisons de naissance). Elle donne une photographie des pratiques médicales pendant la grossesse et l'accouchement, et pour la première fois, un éclairage sur l'état de santé mental des mères deux mois après l'accouchement. Elle se veut complémentaire du rapport de Santé publique France publié en septembre dernier, qui alertait, comme d'autres travaux avant, sur la hausse de mortalité néonatale en France.
Une santé mentale dégradée
La prévalence du post-partum a été mesurée à l'aune de l'échelle de dépression postnatale d'Edinburgh (EPDS). « Les 16,7 % retrouvés sont cohérents avec les chiffres de la littérature étrangère », souligne la Pr Camille Le Ray, Inserm, responsable scientifique de l'ENP 2021. Et 12,6 % des femmes obtiennent un score de 10 à 12, soit juste en dessous des 13 qui caractérisent une dépression du post-partum.
En outre, 16,7 % des femmes considèrent que les deux premiers mois de vie avec le nourrisson sont une période difficile voire très difficile, tandis que 56,6 % évoquent « une période assez agréable malgré quelques difficultés ».
« Ces chiffres alertent sur la problématique de la santé mentale. La stratégie des mille jours comprend des actions pour promouvoir la prévention ; l'entretien postnatal précoce est devenu obligatoire depuis le 1er juillet 2022. Mais il faudrait des actions complémentaires », suggère Nolwenn Regnault, responsable de l'unité périnatalité, petite enfance et santé mentale, à Santé publique France.
Ceci d'autant que l'ENP démontre une augmentation du recours aux soins pour des soucis psychologiques durant la grossesse : en 2021, près de 10 % des femmes ont consulté un professionnel, versus 6 % en 2016. Seulement 63 % des femmes disent se sentir bien lors de la grossesse en 2021, 5 points de moins qu'en 2016.
Un arrêt précoce de l'allaitement
Autre point d'alerte : la poursuite de l'allaitement, de retour au domicile. En effet, l'allaitement exclusif est relativement stable en 2016 et 2021, autour de 55 %, et en cohérence avec le choix énoncé en amont de la naissance (64 % le souhaitent). Mais deux mois après, la proportion d'allaitement exclusif chute à 34,4 % (versus 56,3 % à la naissance), et celle de l'allaitement mixte à 20 % (versus 30 %), au profit des préparations commerciales.
Cet arrêt de l'allaitement est précoce : il intervient pour 27 % des femmes dans les 7 premiers jours, pour 28 % dans les 8 à 21 jours. Si 30 % des mères déclarent avoir reçu un soutien, près de 17 % n'en ont pas trouvé. « Nous devons creuser pour comprendre cet arrêt précoce qui ne peut s'expliquer par la reprise du travail - pour seulement 2,2 % des femmes. Surtout que 80 % ont reçu la visite d'une sage-femme en post-partum », commente la Pr Le Ray.
Vigilance sur l'âge et le surpoids
Les chercheuses alertent encore sur l'âge des femmes lors de la grossesse - près d'un quart ont plus de 35 ans versus 21 % en 2016 - et le surpoids ou l'obésité, qui touchent respectivement 23 % et 15 % des futures mères. « C’est préoccupant, car ces facteurs sont associés à des complications au cours de la grossesse et de l'accouchement », commentent les autrices.
Elles déplorent que seulement 16 % des femmes enceintes aient reçu des conseils sur le cytomégalovirus (CMV), que 36 % bénéficient d'un entretien prénatal précoce, et que seulement 28 % prennent de l'acide folique avant la naissance. Elles s'interrogent sur le nombre d'échographies, de 6 en moyenne, alors que trois seulement sont recommandées. Et remarquent que la moitié des femmes disent n'avoir pas reçu de conseils sur le couchage des enfants (sur le dos) à la maternité.
En revanche, les autrices pointent plusieurs améliorations en matière de prévention, comme une augmentation de la vaccination antigrippale (jusqu'à 30 %), une diminution du tabagisme (12 % lors du troisième trimestre) et de la consommation de cannabis (de 2 à 1 %), une généralisation du dépistage de la trisomie 21 (91 %) et de la préparation à la naissance (80 % des primipares). Elles se félicitent d'une stabilisation du taux de prématurité (7 %, voire 5,5 % pour les naissances uniques).
Moindre médicalisation de l'accouchement
Une moindre médicalisation de l'accouchement est observée, avec une baisse des ruptures artificielles des membranes (taux de 33 %, - 10 points), du recours à l'oxytocine (30 %, -14 points) - probablement lié aux recommandations récentes du CNGOF sur le sujet - et des épisiotomies (8 %, -12 points). Le taux de césarienne lui reste stable (21 %).
En matière de péridurale, 83 % des parturientes la réclament, 85 % bénéficient d'une analgésie neuroaxiale, et surtout 75 % ont une PCEA, qui leur permet de contrôler elles-mêmes leur analgésie. En outre, près de la moitié des femmes recourent à des méthodes non médicamenteuses en 2021, versus 35 % en 2016. Toutefois, encore 40 % des femmes qui ont accouché par voie basse et 10 % de celles qui ont eu une césarienne se plaignent d'une douleur insupportable à l'expulsion.
Enfin, si les femmes se disent à 96 % satisfaites du suivi de la grossesse et de la prise en charge lors de la naissance, 12 % gardent un mauvais souvenir de l'accouchement. Et 10 % se plaignent de paroles ou d'attitudes déplacées de la part des soignants (et 6 % de gestes déplacés), lors de leur parcours, tandis que 4 % disent qu'on ne leur a jamais demandé leur accord avant un toucher vaginal. « Un chiffre à diffuser pour sensibiliser les professionnels aux bonnes pratiques », commente la Pr Le Ray.
*Sous la direction de l’Inserm et co-pilotée par la Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et Santé publique France.
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