LE QUOTIDIEN : Comment s’est élaboré le projet de colloque ?
Dr PATRICK LAURE : Je travaille depuis des années avec des sages-femmes. Ensemble, nous avons commencé par un petit guide pour les professionnels de santé et les acteurs du sport s’occupant de l’accueil des femmes enceintes. Il était évident qu’il y avait des choses à faire dans ce domaine.
Il faut que la femme enceinte bouge et le repos n’est absolument plus de mise, y compris dans la majorité des cas de grossesse compliquée. Les universitaires doivent tenir ce genre de discours. Le Collège national des sages-femmes a fait de l’activité physique l’un des thèmes central de ses 19e journées nationales. Dans le département de maïeutique de l’université de Lorraine, le cursus de formation des étudiantes sages-femmes comporte un enseignement consacré à l’activité physique en périnatalité sous ma responsabilité.
Le second colloque sera davantage tourné vers la pratique. Après une présentation sur l’actualisation des connaissances, tout se fera lors d’ateliers par petits groupes sur des thèmes précis.
Il existe énormément d’idées reçues sur la grossesse sportive. Comme les fausses couches, la prématurité, l'hypotrophie des bébés…
Ce n’est absolument pas avéré mais l’activité physique doit être d’intensité modérée. À la surprise générale, les études ont montré qu’il existe beaucoup de bénéfices à l’activité physique. Et notamment en cas de difficulté à être enceinte : les femmes actives ont un taux de grossesse supérieur aux autres. D’autre part, le taux moyen de prématurité chez la femme active est exactement le même que dans la population générale et pourrait même être diminué en cas d’obésité. Quant à la taille de naissance, elle n’est pas différente non plus.
En matière de neuro-développement, les bébés de femmes sportives à quelques jours de vie ont des capacités supérieures pour s’orienter et réguler leur état émotionnel après un bruit. À l’âge de 12 ans, les scores psychomoteurs sont plus élevés.
Même s’il faut l’adapter en fonction des trimestres, une activité physique d’environ 30 minutes par jour est bénéfique au plan cardiovasculaire, maintient la masse musculaire, améliore la qualité du sommeil et prévient la prise de poids. Les risques d’HTA gravidique, d’incontinence urinaire, de prééclampsie, de perte de densité osseuse, de douleurs lombaires, d’anxiété sont moindres. En cas de diabète gestationnel, l’activité physique fait partie du traitement. Très peu d’études existent en revanche sur l’influence de l’activité physique sur l’accouchement.
Tous les sports peuvent-ils être pratiqués ?
Certains disent que tel sport est formellement interdit, d’autres prétendent que chaque discipline peut être adaptée. Personnellement, je me place plutôt dans la deuxième catégorie. Par exemple, le judo est généralement considéré comme une activité à proscrire. Or, on peut dire à une femme judoka : « Tu fais ce que tu veux au premier trimestre et après tu adaptes ton activité avec des tais, la forme du judo pour les sujets âgés ou malades ». Cela lui permet de monter sur le tatami, de mettre son kimono, de rester dans son club et de ne pas se sentir exclue.
En revanche, à une femme qui n’est pas sportive du tout et qui veut faire du cheval pendant sa grossesse, j’aurais tendance à lui dire que ce n’est pas le moment. Mais, pour une cavalière expérimentée et qui connaît son cheval, c’est différent. C’est vraiment au cas par cas.
Il existe une interdiction formelle et majeure − même si certains le réfutent un peu −, c’est la plongée sous-marine. À proscrire absolument. Bien sûr, il vaut mieux éviter les sports de contact, ou ceux englobant des risques de chute mais, encore une fois, tout peut être adapté en fonction des possibilités locales et de l’expérience de la femme.
Traditionnellement, au troisième trimestre, il est plutôt recommandé de faire du stretching, des étirements, de la gymnastique douce aquatique… En restant dans une discussion au cas par cas, il n’existe a priori aucune contre-indication au sein de la population générale. Sauf maladie rare comme la maladie des os de verre, une rupture prématurée des membranes, ou encore une épilepsie non contrôlée. Pour une femme qui attend des triplés, on ne sait pas pour l’instant.
Ce que l’on peut recommander aux sages-femmes et aux médecins, c’est de penser à en parler. Il faut que le professionnel arrive à anticiper les prétextes pour ne pas bouger. Et pour les patientes déjà actives, leur proposer de continuer avec une activité aménagée.
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