Le gouvernement a dévoilé ce 20 novembre son plan de lutte contre les violences faites aux enfants, à l'occasion des 30 ans de la convention internationale des droits de l'enfant. Quel est le rôle des généralistes face à ce phénomène qui a touché plus de 52 000 enfants en 2018, et a provoqué 131 décès en 2016 ? Entretien avec le Dr Gilles Lazimi, généraliste au centre municipal de santé de Romainville et membre de la commission d'experts des « 1 000 premiers jours de la vie de l'enfant ».
Le QUOTIDIEN : Ce plan vous semble-t-il à même de lutter contre les violences faites aux enfants ?
Dr LAZIMI : Ce plan s'inscrit dans la suite du Premier plan violence 2017-2019 avec une prise de conscience du problème et un autre regard sur l'enfant. Il y a une volonté et des mesures intéressantes. Les moyens doivent suivre.
Seulement 5 % des signalements d'enfants en danger sont réalisés par les médecins. Comment changer cette situation ?
Les médecins doivent être mieux formés et accompagnés dans la procédure de signalement. En cas de suspicion d'un cas de maltraitance, il faut déroger au secret médical, solliciter le regard de collègues, et saisir les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP), dont les moyens et le fonctionnement doivent être améliorés sur tout le territoire. Les CRIP doivent aussi faire davantage de retours aux médecins.
La mise en place de réseaux impliquant médecins de ville et équipes spécialisées est essentielle afin que le professionnel ne reste pas isolé. La désignation d'ici à 2022 d'au moins deux équipes pédiatriques référentes par région devrait améliorer les signalements chez les libéraux, mais aussi dans les hôpitaux ! De même, nous saluons la création de cinq nouvelles unités spécialisées dans la prise en charge du psychotraumatisme, qui s'ajoutent au dix existantes (même si nous en espérions 100 sur l'ensemble du territoire !).
Il est aussi indispensable de multiplier les unités d'accueil médico-judiciaire pédiatriques, pour que les enfants objets d'un signalement soient entendus par des professionnels de la justice et du soin spécialisés.
Quels signes doivent alerter un généraliste ?
Il n'y a pas de signes pathognomoniques, mais un faisceau d'indices. Chez l'enfant, l'on doit être attentif aux signes physiques évidents, mais aussi aux signes d'apeurement, d'absence, aux troubles (ou changements) du comportement, de croissance, de l'alimentation, aux difficultés scolaires... Il faut observer l'interaction et l'attachement de la mère et de l'enfant dès les premiers mois de la vie, et se soucier des problématiques physiques et psychiques des parents en s'inquiétant plus particulièrement quand il y a des violences conjugales.
Les médecins présents avant la grossesse et tout au long de la vie ont un rôle crucial à jouer, en particulier de prévention. Ils sont là pour transmettre des messages, à travers l'entretien prénatal précoce et le carnet de santé. Ils peuvent même aborder la question de la pornographie en évoquant les dangers des écrans et d'Internet.
Vous pointez aussi des manques dans ce plan...
Il ne parle pas explicitement de la violence éducative ordinaire – même si on l'évoquera dans le cadre de l'offre des 1000 jours. Il n'y a pas de petites violences ; jamais on ne doit toucher un enfant ! Enfin, on peut regretter l'absence de mesures spécifiques pour les mineurs isolés étrangers, les enfants sans abri, ou les jeunes sortant de l'aide sociale à l'enfance.
22 mesures réparties en 6 axes
Prévenir : plusieurs mesures visent à sensibiliser les enfants (à l'école, dans le sport) et les parents.
Libérer la parole, repérer et signaler : les moyens du 119 - Allô enfance en danger sont renforcés à hauteur de 400 000 euros dès 2020. Les unités d'accueil médico-judiciaire pédiatriques s'appellent désormais des unités d'accueil pédiatriques enfance en danger et seront généralisées sur l'ensemble du territoire d'ici à 2022 (il n'en existe que 58), sur la base d'un cahier des charges national. D'ici à 2022, au moins deux équipes pédiatriques référentes sur les violences faites aux enfants seront désignées par région, pour former les médecins au repérage et au diagnostic des violences, ou pour effectuer des signalements et certificats administratifs et judiciaires.
Protéger les enfants : les peines pour consultation et production de pédopornographie seront alourdies, les contrôles des antécédents judiciaires des professionnels de l'enfance, renforcés. Un fonds de 200 000 euros servira à soutenir l'éducation à la sexualité.
Accompagner les victimes : une procédure d'évaluation et de la prise en charge des victimes sera publiée d'ici à 2021. Cinq nouveaux dispositifs de prise en charge du psychotraumatisme seront financés.
Soigner les auteurs : un protocole santé /justice sur la prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles doit coordonner dès 2020 hôpitaux psychiatriques et prison pour la prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles.
Enfin, le dernier axe vise à mieux connaître le phénomène en développant la recherche.
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