IL N’Y A RIEN de commun entre la crise de Bahrein et celle de l’Algérie. Dans le petit État du Golfe, des chiites s’estimant opprimés se soulèvent contre une minorité sunnite ; l’affaire n’est donc pas circonscrite au périmètre du mini-État. S’y affrontent l’Iran et l’Arabie Saoudite. En Algérie, en revanche, la jeunesse, lasse d’un pouvoir qui tire sa légitimité d’une décolonisation très ancienne, réclame surtout le moyen de vivre et la fin de la corruption. Tout soulèvement est inspiré par un sentiment d’injustice, mais s’exerce dans son contexte spécifique.
Tunisie exemplaire.
La Tunisie a donné l’exemple au reste du monde arabe. Hosni Moubarak n’aurait pas été renversé si, avant lui, Ben Ali n’avait dû fuir. Elle est donc le catalyseur d’un mouvement historique qui concerne l’ensemble de la région. Pour plusieurs raisons : n’était l’avidité maladive du despote, la Tunisie aurait dû depuis longtemps être le lieu d’une démocratie parlementaire grâce à son rythme de développement et aux droits des femmes, exceptionnels dans le monde arabe ; la révolution a été spontanée, alimentée par les réseaux Internet et largement pacifique ; elle n’avait pas de leader, à telle enseigne que les Tunisiens ont forcé le Premier ministre post-Ben Ali à partir et ne sont pas tellement enthousiastes au sujet de son successeur ; l’armée tunisienne, en refusant de tirer sur les insurgés, a transformé en changement historique un soulèvement désorganisé. Modèle formidable de révolution, avec un minimum de de victimes pour des enjeux gigantesques. Ce sont les Tunisiens qui devraient réussir le plus vite, même si leur triomphe les rend extrêmement exigeants, peut-être trop, sur les hommes à mettre en place et sur le parcours conduisant à une démocratie pleine et entière.
LES DICTATURES ARABES DISPARAÎTRONT PARCE QUE LES PEUPLES N’EN ONT PLUS PEUR
Comme la Tunisie, l’Égypte possède assez d’intellectuels, de forces vives, de structures pour mener à bien les changements indispensables. Aucun de ces peuples, à la fois exaspérés par un statu quo insoutenable et saisis par un immense espoir de liberté, ne cherche de modèle extérieur. Aucun de ces peuples n’a cru à la propagande des tyrans qui attribuaient toutes les difficultés au rôle néfaste d’Israël. Aucun ne demandait autre chose que la mise en place des libertés essentielles. Maroc ou Libye, Yémen ou Syrie, c’est le pouvoir qui est mis en cause ; et on n’y a pas manifesté moins parce que cela aurait pu servir les intérêts d’Al-Qaïda ou de l’« impérialisme américain ». À cet égard, la Syrie est le théâtre d’une révolte imprévisible parce qu’il n’y existe qu’un pouvoir complètement verrouillé par le parti bassiste, sourd et aveugle au reste du monde. Un parti frère de celui de Saddam Hussein quand il régnait sur l’Irak. Les Américains ne croyaient pas que genre de dictature s’affaiblirait. C’est pourquoi ils ont choisi l’invasion de l’Irak en 2003. Il suffisait d’attendre.
Rien ne sera plus comme avant.
Le monde arabe ne va pas se libérer en quelques mois. Kadhafi se battra jusqu’au dernier libyen. Bouteflika est expert en atermoiements. Le souverain marocain bénéficie de son statut de Commandeur des croyants. À Damas, Bachar al-Assad traite les opposants par ce que son régime connaît le mieux : une répression qui peut aller jusqu’à l’extermination (le pire des travers des régimes arbitraires du monde arabe, c’est qu’ils éprouvent pour leurs administrés un mépris encore plus grand que l’ancien colonisateur). Le régime saoudien n’est pas, pour l’instant, balayé par le vent de la liberté, et il n’est pas sûr que Occidentaux souhaitent sa disparition ni même qu’il se réforme.
Mais rien ne sera comme avant et la hauteur du tsunami historique suffit à démontrer que les jours des dictatures sont comptés. Certains potentats disparaîtront parce qu’ils sont incapables de partager le pouvoir et périront, comme Kadhafi, après avoir fait beaucoup de mal à leur pays ; d’autres consentiront à accompagner le changement ou accepteront de bon gré de partir. Aucun ne pourra maintenir des privilèges anachroniques. On disait naguère que le système de démocratie parlementaire n’était pas adapté au monde arabe, comme si la liberté n’était pas universelle et que certains êtres humains devraient être moins libres que d’autres. La force, la constance, l’abnégation des insurgés arabes, enfin affranchis de la peur, montre tout le contraire. Ce qui détruit les régimes arabes de l’intérieur, c’est qu’ils ne sont plus redoutés.
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