Le Dr Élie Buzyn, survivant de la Shoah, est mort ce lundi 23 mai à l'âge de 93 ans, a annoncé sa fille Agnès Buzyn. « Il était entouré de sa famille », a déclaré l'ancienne ministre de la Santé. « Il a fait un malaise, hier, dimanche soir, juste après une conférence de témoignages, où il était avec des jeunes pour "passer le relais", une conférence, qui a été très émouvante, très bouleversante, qui l'a beaucoup touché », ajoute Agnès Buzyn.
Élie Buzyn, rescapé du camp d'Auschwitz, est né en Pologne en janvier 1929. En août 1944, il est arrêté dans le ghetto juif de Lodz où sa famille était parquée. Dix ans après avoir survécu aux camps de la mort, il s'installe en France, où il deviendra chirurgien orthopédique et épousera une psychanalyste de renom, Etty Buzyn (née Wrobel), spécialiste de la petite enfance.
Déporté à 15 ans
Longtemps, comme beaucoup de rescapés de la Shoah, le Dr Buzyn s'est tu et n'a pas voulu retourner à Auschwitz. Puis Élie Buzyn s'est employé à transmettre la mémoire de la Shoah, appelant les jeunes à être « des témoins des témoins ».
Avec ses compagnons survivants de l'horreur, « épaves humaines dont on disait qu'elles allaient mettre vingt ans à mourir », ce médecin s'était fait une promesse : « tenir tant qu'on peut ». Il y est parvenu au-delà de toute espérance, après avoir vécu plusieurs vies et survécu à plusieurs morts.
Dans la chaleur de l’été 1944, Élie Buzyn est transporté en wagon à bestiaux, pour arriver sur les quais de tri du camp d'extermination de Birkenau (Auschwitz-II). « Quelques déportés nous recevaient. Je leur dois la survie. J'avais 15 ans. Ils m'ont lancé : "Dis que tu as 17-18 ans !" Le SS m'a regardé, visiblement il ne m'a pas cru. Il m'a donné un coup de poing dans la poitrine pour éprouver ma résistance, je ne suis pas tombé.» L'adolescent est jugé apte au travail forcé. Plus tard, « en 30 secondes », il a « su ce qui s'était passé » pour ses parents, assassinés dans les chambres à gaz.
Retour en France
Le 18 janvier 1945, devant la progression de l'Armée rouge, on lui intime l'ordre d'évacuer Auschwitz par une de ces « marches de la mort » où tout signe de défaillance est puni d'une balle dans la nuque. Après trois jours et deux nuits, les déplacés sont entassés dans un train vers Buchenwald. Élie Buzyn y demeure jusqu'en avril 1945 parmi 900 orphelins. « Nous qui venions d'Europe de l'Est ne voulions pas retourner chez nous. Nous savions que nous n'y avions plus rien. »
« Pour mon oncle (chirurgien à l'hôpital Rothschild, à Paris), je pouvais entrer dans une vie normale. Je n'étais pas de cet avis. L'Europe était souillée pour moi. » En 1956, il fait son retour en France, où il deviendra chirurgien orthopédique. « C'était un très bon chirurgien orthopédique », dit de lui sa fille Agnès Buzyn, qui souligne aussi qu' « à la fin de sa carrière, il a fait plusieurs missions humanitaires en Mauritanie, il a continué à opérer en Afrique. »
"Vous allez devenir le témoin du témoin que je suis" Élie Buzyn était un des premiers de mes Derniers, avec cette phrase il a scellé mon destin, c'est avec une infinie tristesse que j'apprends son décès ce matin, hier encore il témoignait ? #lesderniers #eliebuzyn pic.twitter.com/VG02uF9StG
— Les Derniers (@Les_Derniers) May 23, 2022
« Des témoins des témoins »
Élie Buzyn fera enlever chirurgicalement son tatouage de déporté, comme pour effacer ce traumatisme de sa mémoire. « Vous ne pouvez pas vivre si vous vivez avec ça tous les jours », disait-il. Après 1945, « d'autres (rescapés, NDLR) se sont suicidés et lui a avancé », relève sa fille.
Un demi-siècle après le génocide, son fils âgé d'une vingtaine d'années lui dit : « Je veux aller à Auschwitz voir où mes grands-parents paternels ont disparu. » Dès lors, il a considéré comme « un devoir » de témoigner dans les écoles et à Auschwitz.
Élie Buzyn y a emmené ses enfants – deux filles et un fils – et plusieurs de ses huit petits-enfants, quand ils avaient passé l'âge de quinze ans. En mars 2019, le Dr Buzyn avait accompagné une quarantaine d'étudiants en santé, conviés par l'Association des médecins israélites de France (Amif) à Auschwitz. Pour ce voyage, le chirurgien orthopédique leur avait livré son récit et passé le flambeau aux futurs soignants.
Élie Buzyn restait convaincu que tous ceux qu'il avait aidés à approcher l'horreur des camps allaient « devenir à leur tour des témoins. Des témoins des témoins ».
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