Cécile Courrèges (DGOS) : « Alléger, améliorer, sécuriser les conditions de travail des professionnels de santé, et vite ! »

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Publié le 20/11/2018
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Crédit photo : S. Toubon

Négos conventionnelles dès janvier 2019 (CPTS et assistants médicaux), définition des hôpitaux de proximité, 400 postes de généralistes salariés, exercice partagé ville/hôpital : dans un entretien au « Quotidien », Cécile Courrèges, directrice générale de l'offre de soins (DGOS), décrypte le calendrier et la méthode pour décliner le plan santé du gouvernement dont Agnès Buzyn vient d'annoncer le déploiement.

LE QUOTIDIEN : Le développement de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) est l’un des axes clés du plan santé. Quel est le calendrier ?

CÉCILE COURREGES : Notre approche est d’accompagner les médecins pour s’intégrer dans des modes d’exercice coordonné. L’exercice isolé doit devenir l’exception et 1 000 CPTS doivent sortir de terre à l’horizon 2021. C’est un horizon rapproché, au regard des 200 projets de CPTS existants et du nombre limité de structures actives. Nous allons travailler avec les professionnels de santé. Les médecins ne vont pas fonctionner sur un blanc-seing, et ce d’autant qu’ils engagent leur cadre d’exercice et leur relation sur le territoire avec d’autres professionnels. 

Nous voulons alléger, améliorer et sécuriser les conditions de travail des professionnels de santé, et vite ! C’est pour cela qu’un amendement gouvernemental au budget de la Sécu [PLFSS 2019, NDLR] engage les partenaires conventionnels à négocier dès janvier 2019 un financement pérenne. Cet amendement supprime également le délai classique de six mois avant l’entrée en vigueur des mesures négociées, qui pourraient donc être effectives à l’été 2019.

À quelle hauteur sera financée chaque CPTS ?

Ce sera l’objet des négociations conventionnelles. On pressent un mécanisme de double financement pour le fonctionnement des CPTS et pour leurs missions. À titre d'exemple, pour les éléments dont nous disposons, une CPTS installée serait aujourd'hui financée entre 50 000 et 150 000 euros, selon sa taille et ses missions, par le fonds d’intervention régional (FIR).

Un médecin isolé va-t-il voir ses financements fondre au profit de confrères inclus dans une CPTS ?

Non, car le financement des CPTS fait partie des mesures qui ont justifié l’augmentation de l’ONDAM de 2,3 à 2,5 % sur le quinquennat. C’est une enveloppe supplémentaire.

En revanche, la logique est bien d’accompagner spécifiquement le développement de l’exercice coordonné. Demain, deux médecins, l'un isolé et l'autre non, percevront-ils le même niveau de rémunération ? La question sera sur la table des négociations conventionnelles. Je ne parle pas ici de la rémunération à l’acte mais d’une modulation, en fonction du cadre d’exercice, d’une partie des rémunérations forfaitaires auxquels les médecins accèdent dans le cadre de la convention.

Mais mieux rémunérer les médecins selon leur mode d’exercice, n’est-ce pas une forme de coercition ?

Pas du tout ! La coercition, c’est dire aux médecins qu’ils n’ont plus le droit d’exercer s’ils ne s’inscrivent pas dans une logique d’exercice coordonné, dire que la valeur de l’acte et de la consultation sera inférieure en cas d’exercice solitaire, ou déconventionner les professionnels isolés. Ces options-là ne sont pas envisagées.

Les CPTS doivent être perçues comme une opportunité de mieux s’organiser ensemble pour un meilleur service rendu aux patients et aussi comme une source de meilleures conditions d’exercice pour les professionnels. Et non comme un moyen de pénaliser ou « victimiser » les professionnels isolés.

Le président de la République a promis 400 généralistes salariés. Qui sont-ils ? Où les trouver ?

Nous allons proposer à l'été 2019 aux agences régionales de santé deux dispositifs. Le premier concerne le développement de postes d’assistants partagés en post-internat. 50 % du temps est payé par l’hôpital, 50 % du temps est payé à l’acte. Ces postes peuvent intéresser les jeunes qui hésitent à s’installer en ville. Ils peuvent faire office de tremplin à l’installation. La règle statutaire actuelle réclame deux ans d’exercice à temps plein pour devenir assistant partagé avec un temps partiel en ville. Ce n’est pas satisfaisant. À compter de novembre 2019, l’exercice partagé ville/hôpital sera possible dès la sortie de l’internat, comme il l’est déjà à l’hôpital.

Deuxième possibilité dans les territoires en carence médicale et faute d’initiative libérale constatée de façon partagée avec les professionnels de santé libéraux du territoire : aider l’hôpital de proximité ou un centre de santé à embaucher des médecins généralistes désireux d’un exercice salarié pour faire de la consultation généraliste.

Nous apporterons aux structures gestionnaires une garantie financière, sous certaines conditions, pendant une certaine période et à une hauteur plafonnée, qu’il nous reste à définir. Je me souviens d’un maire qui évoquait un salaire de 8 500 euros mensuels pour salarier un médecin… On ne compensera pas à cette hauteur-là !

Qui seront les assistants médicaux de demain ?

Ils auront des fonctions administratives et soignantes. On imagine une aide avant, pendant et après la consultation pour tout ce qui ne relève pas strictement de l’activité médicale. En amont, l’assistant prépare le dossier du patient, aide au déshabillage des nouveau-nés et des personnes âgées, parle prévention de la santé, et prend les constantes (tension, fréquence cardiaque, poids, taille). En aval, il prend rendez-vous avec le spécialiste. Infirmiers, aides-soignantes formées et habilités à travailler en ville, autres catégories socioprofessionnelles aux compétences adaptées… Les profils ouverts ne sont pas arrêtés.

Avoir un assistant médical répondra à trois conditions : être en exercice regroupé, être en exercice coordonné – en CPTS notamment – et être dans une disposition d’amélioration de l’accès aux soins. Des indicateurs, comme la patientèle suivie, le délai d’accès ou le nombre de patients médecins traitant permettront d’en juger. Tout cela reste à définir dans la négociation conventionnelle, qui est parallèle à celle des CPTS et suit le même calendrier.

Avez-vous défini une liste des futurs hôpitaux de proximité ?

Le premier comité de concertation aura lieu le 23 novembre.  On reste sur le repère de 500 à 600 hôpitaux de proximité qui est celui du rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), mais nous ne sommes pas fétichistes des chiffres.

À minima, un hôpital de proximité doit faire de la médecine, des consultations avancées de spécialités et travailler avec le médicosocial pour la prise en charge des personnes âgées. Ce n’est pas à la portée de tous les établissements !

On s’interroge sur comment faire pour que la médecine polyvalente et les consultations avancées soient assurées par des médecins de ville prêts à s’engager dans une activité mixte. C’est la raison pour laquelle on discute d’une gouvernance assouplie et ouverte aux CPTS. Et non, nous n’avons pas fait de liste ! 

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez

Source : lequotidiendumedecin.fr