TOUS LES MOUVEMENTS ont été invités par le gouvernement de transition de Mohammed Ghannouchi, sous la houlette du nouveau président, Fouad Mebazaa, à participer aux prochaines élections générales, y compris le représentant des islamistes, Rached Ghannouchi, jusqu’à présent exilé à Londres. D’une part, on est en droit de se poser des questions sur les organisateurs du nouvel ordre politique, tous issus de l’ancien régime ; d’autre part, ils ont la compétence nécessaire pour arracher la Tunisie au chaos où personne ne souhaite qu’elle s’enfonce. Ce qui est extrêmement encourageant, c’est que la révolution a été spontanée, anonyme, inattendue et que l’armée, dont le général en chef avait refusé de tirer sur la foule, s’efforce de rétablir le calme, principalement en éliminant des nervis de l’ex-président qui ont tenté désespérément de semer la terreur.
L’intelligence et la modération du peuple tunisien réclament le respect des étrangers. Les Tunisiens n’ont pas besoin de sollicitudes hypocrites manifestées par des Français qui, tous, qu’ils fussent de droite ou de gauche, n’ont jamais vu la Tunisie que comme le doux pays du jasmin où ils passaient de voluptueuses vacances et qui, l’aimant pour sa tolérance et son hospitalité, n’ont jamais osé s’en prendre au satrape qui la gouvernait. Être né en Tunisie ne permet pas de s’ériger en spécialiste de ce pays, comme ont voulu nous le faire croire certains invités des chaînes de télévision française ; s’y être rendu à de multiples reprises signifie exactement le contraire d’une critique du pouvoir. La vérité n’est pas dans la bouche de des ralliés in extremis à la cause du peuple tunisien. Pour ma part, né en Tunisie et y ayant vécu longtemps, je ne crois pas si bien la connaître car le parfum du jasmin et des orangers ne suffisait plus à masquer celui du totalitarisme et que, pour cette raison, j’avais cessé de m’y rendre depuis longtemps, laissant à d’autres les plages de Hammamet ou la colline de Sidi-Bou-Saïd (ou les riads de Marrakech, pas moins soumis au bon vouloir du roi du Maroc). Des Français qui déclarent tout de go qu’ils auraient, en quelque sorte, la double nationalité, ne font que voler au secours de la victoire.
AUCUN PARTI FRANÇAIS N’A DÉNONCÉ BEN ALI AVANT SA CHUTE
C’est à cette aune de l’hypocrisie qu’il faut juger l’attitude du gouvernement français. Michèle Alliot-Marie a sans nul doute commis la première grave erreur de son séjour au Quai d’Orsay quand elle a déclaré qu’elle souhaitait donner aux forces tunisiennes les conseils de maintien de l’ordre de nos propres services. Un peu plus tard, elle expliquait qu’elle voulait seulement éviter un bain de sang. Elle eût mieux fait de se taire. Nicolas Sarkozy, pris au piège des propos, extrêmement favorables à Zine el Abidine Ben Ali, qu’il a tenus lors de sa visite en Tunisie en 2008, ne savait plus comment prendre acte de la révolte populaire et son porte-parole, François Baroin, semblait très embarrassé. Il n’empêche que le gouvernement avait et a toujours, dans cette affaire, des responsabilités que l’opposition ne pouvait ignorer. S’il était de bonne guerre d’accabler Mme Alliot-Marie, il l’était moins d’ignorer les 1 250 entreprises françaises de Tunisie et les 20 000 Français qui y sont résidents permanents sans compter les 8 000 touristes (rapatriés de toute urgence).
Une forme de continuité.
Après quoi, le gouvernement a été rassuré par la continuité que, en quelque sorte, les hommes politiques tunisiens, ont assurée pendant les émeutes et l’anarchie. Il a donc condamné le régime renversé, refusé l’asile à Ben Ali, mis ses comptes bancaires en France sous surveillance et renvoyé ailleurs quelques membres de sa famille qui visitaient Disneyland. La France est payée pour savoir que les Français en Afrique se transforment parfois en otages et même en cadavres. On ne peut donc pas présenter la prudence des autorités françaises comme une complicité avec la dictature. De la même manière, on ne peut pas dire que le régime tunisien devait être condamné par la France parce que le danger intégriste n’existe plus. Il n’existe plus parce qu’il a été traité par Ben Ali avec une férocité sans égale, ce qui arrangeait tout le monde en France, droite et gauche confondues. On ne se souvient pas, d’ailleurs, que les gouvernements de Mitterrand ou celui de Jospin, aient exercé sur la Tunisie des pressions à la mesure de l’indignation que sa gouvernance aurait dû leur inspirer. On s’élève avec la dernière énergie contre la torture (souvent pratiquée par les sbires de Ben Ali), mais on doit aussi s’inquiéter du retour en Tunisie des islamistes. Comme l’a fort bien dit le producteur de cinéma Tarek Ben Ammar, si un Ahmadinejad prend le pouvoir à Tunisie, ce sont presque tous les Tunisiens qui prendraient la poudre d’escampette pour... débarquer sur nos plages.
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