Médecine et histoire

Au chevet d’Alexandre le Grand

Publié le 16/01/2012
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POURQUOI Alexandre le Grand est-il représenté la tête penchée sur le côté ? Était-il aussi mégalomane qu’on a pu le dire ? Quel a été l’impact psychologique de l’assassinat de son père, Philippe II, sous ses yeux ? Comment, le fils d’Olympias et Philippe, eux-mêmes issus d’une longue tradition meurtrière, assumait-il sa fonction ? De quoi est mort en quelques jours ce jeune et brillant combattant, ce lecteur assidu de l’Iliade, très tôt formé à la guerre comme à la politique et éduqué par Aristote ? À partir de textes anciens faisant eux-mêmes référence à des écrits contemporains du règne d’Alexandre le Grand, Jean Claude Aubert, médecin et féru d’histoire, explore les différentes pistes, avance des arguments médicaux en faveur de certaines hypothèses (le torticolis congénital et la pancréatite par exemple), en conteste d’autres. Occasion idéale pour évoquer l’extraordinaire histoire de l’empire perse achéménide, ses personnages illustres et ses intrigues.

Plongée dans la vie quotidienne.

Traquant dans les textes historiques le détail qui l’a mis sur la voie diagnostique, explorant la psychologie familiale de ce conquérant victorieux, J. C. Aubert nous invite à une plongée dans la vie quotidienne du grand roi Macédonien. La maladie foudroyante qui tua en onze jours ce jeune roi en bonne santé n’était ni le paludisme ni les conséquences d’un empoisonnement mais plus probablement une pancréatite aiguë, nous dit-il. Pour preuve, non seulement la reconstitution de l’histoire clinique mais aussi les habitudes en matière d’alcool au IVe siècle avant notre ère, les libations et beuveries habituelles à la Cour macédonienne, les orgies dionysiaques qui rythmaient la vie des militaires.

L’auteur multiplie les détails si bien que le lecteur a l’impression d’être assis au chevet du roi dont l’agonie est rythmée par les sacrifices et les bains et se prend à espérer avec l’auteur que ses souffrances aient été amenuisées par une éventuelle administration d’opium. Comment aurait-il pu, en effet, sans cet antalgique, dont l’usage s’est répandu en Asie, en Inde et plus tard dans l’Égypte des Ptolémées grâce à ses conquêtes, aller et venir pour effectuer des sacrifices ? Le monarque, dont les dernières volontés étaient d’être transporté au temple d’Amonn en Égypte après sa mort, a peut-être sombré finalement dans un coma terminal, seule hypothèse capable d’expliquer l’intégrité de son corps sept jours après sa mort officielle au moment où arrivent les embaumeurs égyptiens et chaldéens alors qu’il règne une chaleur étouffante !

Conformément à son souhait, le catafalque fut transporté sur plus de 5 000 km de Babylone à Alexandrie au cours d’une véritable expédition mais le lieu de sépulture d’Alexandre le Grand reste à ce jour inconnu. Tout espoir de le retrouver n’est pourtant pas perdu, souligne J. C. Aubert même si l’existence du tremblement de terre de 365, suivi d’un raz de marée, peut avoir endommagé sérieusement la momie du souverain. Celui de son père, Philippe II a en effet été découvert récemment à Vergina en Macédoine. La découverte de celle de son fils permettrait de faire des analyses paléogénétiques et de confirmer les causes de sa mort.

Jean Claude Aubert, Alexandre le Grand, Le roi malade, Les éditions Persée, 19 euros, 230 pages.

 Dr CAROLINE MARTINEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 9066