Pénurie de sang et risques transfusionnels : la HAS recommande des mesures pour limiter les transfusions en périopératoire et obstétrique

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Publié le 13/09/2022
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Crédit photo : S.Toubon

La Haute Autorité de santé (HAS) a publié une série de recommandations visant à éviter au maximum d'effectuer des transfusions sanguines, « afin de pallier la pénurie de sang et les risques transfusionnels », souligne-t-elle dans un communiqué du 12 septembre.

Ce travail fait suite à la saisine de plusieurs sociétés savantes et associations de patients* qui œuvrent à l'intégration du « Patient Blood Management » (PBM) dans les pratiques médicales, un concept d'une vingtaine d'années traduit en français par « gestion du capital sanguin ». Ces organisations se sont « fortement impliquées tout au long du processus de rédaction », souligne la HAS. « En effet, l'anémie périopératoire et/ou la transfusion de culots de globules rouges sont deux facteurs indépendants d'augmentation de la morbimortalité », est-il rappelé.

En France, comme dans d'autres pays européens, les réserves de sang se trouvent régulièrement à un niveau insuffisant. Depuis un an, l'organisme chargé de collecter les dons de sang, l'Établissement français du sang (EFS), a plusieurs fois alerté sur l'urgence « vitale » de les reconstituer, avec à la clé des campagnes d'incitation régulières.

La gestion du capital sanguin chez les patients devant avoir une chirurgie a comme objectif d'éviter au maximum de se retrouver dans une situation où la transfusion sanguine est inévitable.

En préop, du fer, si possible par voie intraveineuse

Cela suppose en préopératoire de dépister et de traiter l'anémie (<13 g/dl chez l'homme et chez la femme) et/ou la carence martiale (ferritine < 100 μg/l, coefficient de saturation de la transferrine < 20 %). Un bilan étiologique spécialisé est à prévoir en cas d'anémie < 10-11 g/dl sans cause connue.

En cas d'anémie par carence martiale, une supplémentation en fer est recommandée, en privilégiant la voie intraveineuse, le plus tôt possible avant l'intervention (dans le mois précédent) et possiblement dans le cadre d'une hospitalisation à domicile (carboxymaltose ferrique).

Quant aux agents stimulant l'érythropoïèse (ASE), ils sont recommandés avant une chirurgie osseuse majeure ou cardiaque mais aussi en cas d'anémie inflammatoire « pour tous les types de chirurgie à risque hémorragique (hors AMM) ». Il est précisé que leur utilisation doit faire l'objet d'une discussion bénéfices/risques, « en particulier en cas de cancer, afin de ne pas dépasser un taux d'hémoglobine (Hb) de 12 g/dl pour limiter le risque thrombotique ». La première injection doit être administrée idéalement trois semaines avant l'intervention, sachant qu'en début de traitement par ASE, un apport en fer est recommandé.

Acide tranexamique peropératoire

En peropératoire, il est préconisé de ne transfuser qu'en cas d'absolue nécessité. Des moyens médicamenteux (acide tranexamique en prophylaxie et/ou en cas d'hémorragie) et chirurgicaux (hémostase, récupérateur de sang) sont recommandés, ainsi que la normothermie (T ≥ 36,5 °C) et le monitorage des pertes sanguines.

Seuil restrictif et transfusion unitaire

En postopératoire, les prélèvements systématiques sont à limiter et à remplacer par des tests rapides de dosage de l'hémoglobine capillaire au lit du patient. Le suivi du taux d'hémoglobine reste recommandé dans certaines situations (anémie préopératoire, perte sanguine peropératoire, instabilité hémodynamique). Un dosage quatre semaines environ en postopératoire est recommandé en ville après une chirurgie hémorragique et/ou une anémie postopératoire. Si le taux d'hémoglobine est inférieur à 12 g/dl, une administration précoce de fer est recommandée, « de préférence par voie intraveineuse ». Quant à la transfusion, un seuil « restrictif » est préconisé, c'est-à-dire un taux d'hémoglobine entre 7 et 8 g/dl (7,5 à 8 g/dl après chirurgie cardiaque). La transfusion d'un seul concentré de globules rouges à la fois est recommandée (sauf hémorragie active ou taux attendu avec un seul culot < 7 g/dl).

Spécificités en obstétrique

En obstétrique, il est recommandé de rechercher une anémie (Hb < 11 g/dl) chez toutes les femmes enceintes, dès le début de la grossesse, au sixième mois et à tout moment en présence de symptômes. Une carence martiale (ferritinémie < 30 ng/ml) est à rechercher en début de grossesse dans la population à risque (multiparité, grossesses rapprochées, précarité, maladies inflammatoires de l'intestin, alimentation). Une hémoglobinopathie est à rechercher en cas d'anémie chez les femmes d'origine méditerranéenne, du Moyen-Orient, d'Extrême-Orient, d'Afrique, des Caraïbes et de l'Océan indien.

En prépartum, l'anémie par carence martiale doit être supplémentée en première intention par du fer oral et de l'acide folique, si besoin en une prise un jour sur deux en cas de mauvaise tolérance. Une fois que le taux d'hémoglobine est > 11 g/dl, il est recommandé de poursuivre le fer oral au moins trois mois (pour reconstituer les réserves). La voie intraveineuse est recommandée en cas d'anémie sévère (< 8 g/dl) ou mal tolérée, ou découverte après 34 semaines d'aménorrhée, ou de mauvaise tolérance par voie orale.

En péripartum, la transfusion est limitée aux anémies sévères (< 8 g/dl) ou mal tolérées ou lorsque le fer n'aura pas le temps d'être efficace avant l'accouchement. En cas d'hémorragie du post-partum, les concentrés sont prescrits sur la gravité des signes cliniques, dans l'objectif de maintenir un taux d'Hb > 7 g/dl si l'hémorragie est arrêtée ou > 8-9 g/dl si elle est active.

S'approprier les recommandations

Cette approche PBM, recommandée par l'Organisation mondiale de la santé (2010) et la Commission européenne (2017), est « déjà largement déployée dans certains pays comme l'Australie ou l'Allemagne, avec des résultats positifs », est-il souligné dans le communiqué. Des économies importantes pour la collectivité sont à en attendre via la baisse de la consommation de globules rouges, d'une durée moyenne de séjour optimisée et d'un risque de réhospitalisation réduit.

« L'enjeu sera désormais leur appropriation et application par les établissements et par les différents acteurs de la prise en charge », est-il annoncé. Il faudra « une bonne coopération des différents intervenants autour du patient : anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens, hémovigilants, infirmiers, pharmaciens hospitaliers, EFS, biologistes… », ont prévenu les organisations.

*Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar), Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot), Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie (Grace), Collectif national des associations d'obèses (CNAO), Association afa Crohn RCH France (AFA), Association Patients en réseau et Cerhom (cancers masculins).


Source : lequotidiendumedecin.fr