L’idée de repeupler le système immunitaire des patients VIH-infectés avec des cellules T génétiquement modifiées pour résister au virus a été évaluée avec succès dans un essai de phase 1. Douze patients ont reçu l’injection de leur propres lymphocytes TCD4 dans lesquels le gène CCR5 avait été inactivé par une enzyme artificielle.
« Cette étude montre qu’il est possible de modifier les propres cellules T d’un patient VIH-infecté afin d’imiter une résistance naturelle au VIH, de les réinjecter avec sécurité dans l’organisme, d’obtenir leur persistance, et peut-être de maîtriser ainsi la charge virale sans recourir aux médicaments », explique le Dr Carl June, immunologue a l’université de Pennsylvanie à Philadelphie.
Plusieurs découvertes sont à l’origine de cette approche. La première est l’identification sur les lymphocytes T du corécepteur CCR5 pour l’entrée du VIH. Il est apparu que les individus homozygotes pour une délétion delta 32 du CCR5 sont naturellement résistants à l’infection VIH (1 % de la population), et les individus hétérozygotes ont une progression plus lente vers le sida.
Les thérapies basées sur le CCR5 ont donc suscité un intérêt croissant depuis quelques années, notamment depuis la guérison « fonctionnelle » de l’infection VIH chez un patient de Berlin, observée après qu’il ait reçu, en traitement de sa leucémie, une greffe de cellules souches d’un donneur naturellement résistant au VIH.
Une nucléase à doigts de zinc
Pour inactiver le gene CCR5 dans les cellules TCD4 des patients, l’équipe du Dr June utilise une nucléase à doigts de zinc (ZNF) (exprimée par un vecteur adénoviral), une enzyme artificiellement développée pour couper l’ADN à un site souhaité. La technique a permis d’obtenir une perte du CCR5 sur 11 à 28 % des cellules T. Douze patients VIH-infectés, sans virémie détectable sous antirétroviraux, ont reçu une injection de leur propres cellules TCD4 modifiées. Puis 4 semaines après, la moitié des patients arrêtaient le traitement antirétroviral pendant 3 mois afin d’entrevoir l’effet de la thérapie génique.
Cet essai de phase 1 démontre bien la sécurité a court-terme et la bonne tolérance de l’approche de modification génétique ("gène editing").
De surcroît, les cellules T modifiées persistent dans l’organisme avec une demi-vie approchant un an ; une semaine après leur injection, elles représentent environ un septième des cellules TCD4 en circulation.
Elles semblent être partiellement protégées de l’infection VIH puisque, après l’arrêt du traitement antirétroviral, leur perte est plus lente que celle des cellules T non modifiées.
Malgré un retour de la virémie chez tous les patients arrêtant la thérapie antirétrovirale, la charge virale s’est ensuite abaissée chez 4 patients et, de façon prometteuse, la virémie est redevenue indétectable chez un patient. Il est apparu toutefois que ce patient était en fait hétérozygote pour la mutation delta32 du CCR5 et n’avait donc pas besoin d’une inactivation bi-allélique, difficile à obtenir à l’heure actuelle de manière consistante.
L’optimisme des chercheurs
« Puisque la moitié des gènes CCR5 du patient étaient naturellement inactivés, l’approche de modification génétique s’ajoutait à l’avantage procuré par la mutation héritée d’un parent », explique le Dr Bruce Levine.
Seules les futures études pourront déterminer la sécurité à long-terme, la durabilité, et l’efficacité de cette modification génétique. Les chercheurs sont optimistes et envisagent des perfectionnements.
Pour les Drs Kay et Walder, editorialistes, « cette étude de preuve de principe représente un premier pas important, non seulement pour le traitement des patients infectés par le VIH mais aussi pour la modification génétique de façon plus générale ».
NEJM 6 mars 2014, Tebas et coll., Kay et coll.
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