Depuis une vingtaine d'années, plusieurs équipes de recherche travaillent sur l'identification d'anticorps naturellement produits par les malades infectés par le VIH capables de lutter contre la réplication du virus. Si la première génération isolée dans les années 90 s'est révélée décevante, la seconde qui émerge depuis 2009 semble, au contraire, tenir ses promesses, à en croire les derniers travaux de l'unité CNRS « Virus et Immunité » de l'institut Pasteur, dirigée par Olivier Schwartz, et du groupe « Réponse humorale aux pathogène », dirigé par Hugo Mouquet.
Comme ils le décrivent dans un article paru dans la revue « Nature Communications », ces auteurs ont découvert lors d'expériences ex vivo que, non seulement ces anticorps neutralisant à spectre large (bNAbs) étaient capables de reconnaître le virus lui-même, mais que les plus efficaces d'entre eux se fixaient sur les cellules infectées pour provoquer leur destruction par les cellules natural killer (NK). Ce qui empêche la réplication du virus.
Inefficaces contre les cellules dormantes
Pour parvenir à cette découverte, les chercheurs ont commencé par produire massivement des bNAbs à partir de lymphocytes T prélevés chez des patients, puis les ont mis en présence de cellules infectées fournies par l'équipe du Dr Olivier Lambotte (hôpital Bicêtre, AP-HP). « Il s'agissait de cellules dormantes, dans lesquelles le matériel génétique du virus était intégré au génome de la cellule mais n'était pas exprimé sous forme de protéines virales, explique Hugo Mouquet. Une fois réactivées, elles ont été reconnues et attaquées par les cellules NK. »
L'utilisation de tels anticorps n'est possible que sur des cellules actives puisqu'elles sont les seules à présenter des protéines virales à leur surface. Cela élimine d'emblée toute possibilité de s'en servir pour purger les réservoirs viraux et guérir définitivement un patient.
Ces anticorps présenteraient toutefois un avantage considérable, utilisés en complément des trithérapies existantes.« Entre 10 et 20 % de la cinquantaine d'anticorps identifiés jusqu'à présent se sont montrés efficaces in vitro sur des cellules infectées, explique Hugo Mouquet. On pourrait les utiliser chez des individus souffrant d'effets secondaires graves liés à la trithérapie. Ils pourraient aussi prévenir la transmission mère-enfant. Les travaux actuels sont aussi importants pour le développement d'un vaccin capable d'induire la production de ce type d'anticorps. On travaille actuellement sur le design d'antigènes candidats, mais cela va prendre du temps. »
Premiers essais de phase 1 aux États-Unis
Deux de ces bNAbs sont actuellement testés en phase 1 en en phase 2b chez des patients infectés mais pas encore traités par les antirétroviraux. Un de ces essais a lieu à l'université Rockfeller de New York et l'autre dans les laboratoires des Instituts américains de la santé (NIH), à Bethesda. « D'après les premiers résultats, une seule injection d'anticorps permet de réduire d'un facteur 15 la présence du virus dans le sang pendant un mois », s'enthousiasme Hugo Mouquet.
Ces « super-anticorps » sont présents chez 1 % des individus infectés. Leur présence n'est pourtant pas corrélée avec la capacité du malade à contrôler ou non sa maladie. « On ne sait pas très bien pourquoi certains patients produisent ces anticorps et d'autres non, avoue Hugo Mouquet. C'est quelque chose qu'il faudra découvrir dans les années qui viennent. »
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation