Ce n’est pas une nouveauté, le collectif « Sciences en marche » s’est toujours montré très critique à l’égard du crédit impôt recherche (CIR), censé encourager l’investissement privé dans la recherche et le développement.
Les chercheurs du collectif estiment en effet que ce dispositif est largement détourné de son objectif initial, par des entreprises qui perçoivent ce genre d’aide sans nécessairement augmenter leurs dépenses en R&D.
Plus préoccupant pour les auteurs, le CIR échoue dans un de ses objectifs : favoriser l’embauche de doctorants. En effet, moins de 10% des entreprises bénéficiaires du CIR ont recours aux dispositifs en faveur de l’emploi des docteurs et le taux de chômage des docteurs en science est de près de 9 % en France, quatre fois celui observé dans le reste de l’Europe.
Dans un rapport réclamé par la commission d’enquête sénatoriale, les auteurs François Métivier (Université Paris Diderot), Patrick Lemaire (directeur de recherche CNRS, université de Montpellier) et Elen Riot (maître de conférence à l’université de Reims Champagne-Ardenne) enfoncent le clou, tout en apportant quelques nuances à ce constat pessimiste.
Deux catégories d’entreprises
En se basant sur les données fournies par le ministère de l’Enseignement et de la Recherche, les auteurs du rapport constatent « un monde des entreprises scindé en deux. D’un côté des entreprises de moins de 500 salariés, pour lesquelles les chiffres semblent assez clairement indiquer une croissance d’emplois régulière. De l’autre côté, les entreprises de plus de 500 salariés pour lesquelles les chiffres montrent une éviction persistante (situation où la dépense intérieure de R&D d’une entreprise augmente moins que la réduction d’impôt dont elle bénéficie n.d.l.r), et une faible croissance des emplois. »
Selon leurs calculs, les entreprises de moins de 500 salariés ont économisé 9 milliards d’euros grâce au CIR sur la période 2008-2012, contre 15 milliards d’euros pour les entreprises de plus de 500 salariés. Les entreprises de moins de 500 employés présentent une croissance annuelle avec un effet de levier du CIR et auraient ainsi généré 2,8 milliards d’euros supplémentaires d’investissement R&D. À l’inverse, les entreprises de plus de 500 salariés auraient saisi l’opportunité de la réforme de 2008 pour détourner 6 milliards de créance CIR de leur objectif.
2008, une année charnière
Le choix de l’année 2008 par les auteurs comme point de départ de leur analyse n’a rien d’anodin. C’est en effet cette année-là que le CIR a connu une évolution majeure : la créance est passée à 30 % des dépenses totales R&D contre 10 % auparavant. Le taux est même majoré à 50 et 40 % lors des deux premières années d’entrée de l’entreprise dans le dispositif, après une période d’au moins cinq ans sans en bénéficier. En outre, le plafond de 16 millions d’euros a été supprimé.
« La réforme de 2008 semble n’avoir eu aucun effet sur les tendances d’évolution de l’emploi dans la R&D, estiment les auteurs du rapport, qui précisent que plus de 80 % des emplois crées entre 2007 et 2012 l’ont été par des entreprises de moins de 500 salariés, alors que ces entreprises ne bénéficient que de 37 % de la créance en volume. »
Entre les mains de la commission d’enquête
Plus particulièrement visée par les conclusions du rapport, l’industrie pharmaceutique est la branche d’activité qui a le plus perdu d’emplois de R&D sur la période 2008 à 2012 : 700 suppressions de postes R&D par an en moyenne. Cette branche bénéficie de près de 500 millions d’euros par an, c’est-à-dire une des plus fortes enveloppes du CIR, malgré une DIRDE en baisse de 85 millions d’euros chaque année.
Les deux autres secteurs épinglés par le rapport sont celui de la fabrication d’équipement de communication et le textile.
Le rapport de « Sciences en Marche » est désormais entre les mains de la « Commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays », dirigée par le sénateur Francis Delattre (UMP, Val-d’Oise). Cette commission a commencé ses auditions il y a un mois.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation