Afin de mieux comprendre les modes de propagation du SARS-CoV-2, un groupe international d’experts de la mécanique des fluides* a dressé un état des lieux des connaissances qui pourraient se révéler utiles aux virologues et aux épidémiologistes. Paru dans « International Journal of Multiphase Flow », leur travail propose un cadre théorique pour l’analyse de la transmission virale, intégrant différents processus physiques, de l’éjection de gouttelettes par la respiration à l’inhalation des aérosols.
Leur modèle suggère que les recommandations en faveur du port du masque et de la distanciation physique sont des conditions nécessaires au contrôle de l’épidémie, mais insuffisantes pour stopper la propagation du virus. Les connaissances acquises devraient ainsi permettre d’affiner les préconisations.
Une prise en compte des avancées scientifiques
« Depuis les années trente, la médecine s’appuie sur le postulat d’une transmission des maladies respiratoires par des grosses gouttes (autour de 1 mm) qui tombent sur des surfaces ou par des aérosols (inférieurs à 5 microns), explique au « Quotidien » Stéphane Zaleski, chercheur à l’Institut Jean-Le-Rond d’Alembert (Sorbonne Université/CNRS) et co-auteur de l’article. Or, c’est une vision simplifiée : il existe un spectre continu de possibilités entre les deux ».
Le modèle développé permet ainsi d’explorer une grande variété de scénarios (respiration, parole, toux, éternuement), dans différentes conditions environnementales (atmosphère humide ou sèche, environnement confiné ou ouvert). Les simulations qui en sont issues pourraient permettre de calculer la concentration de gouttelettes porteuses de virus à différentes distances et dans différentes conditions.
Mais de nombreuses inconnues persistent pour une pleine application de ce modèle. « Nous ne sommes pas encore en capacité de dire la probabilité d’être malade si quelqu’un éternue ou tousse à proximité, mais nous en savons de plus en plus », souligne Stéphane Zaleski.
Vers une mesure du risque infectieux sous différentes conditions
De récentes études sur les caractéristiques du SARS-CoV-2 devraient tout de même permettre d’obtenir des résultats plus précis. « Une récente publication du Pr John Kolinski de l'Institut Polytechnique de Lausanne (en preprint) a déterminé, à partir des évènements de super propagation, la charge infectieuse minimum pour la transmission du Covid, souligne Stéphane Zaleski. Avec cette donnée, notre modèle pourra se révéler utile pour mesurer plus précisément le risque infectieux selon différentes conditions ».
Pour l’heure, les auteurs plaident pour une prise en compte des connaissances de la mécanique des fluides dans les recommandations pour la lutte contre le Covid-19. « Les masques sont utiles, car ils arrêtent les grosses gouttelettes. Et garder une distance est également utile. Mais nos résultats montrent qu'aucune de ces mesures ne peut garantir une protection complète », indique Alfredo Soldati de l'Institut de mécanique des fluides de l’université de Vienne, dans un communiqué.
Récemment, « Le Quotidien » rapportait les travaux d’une équipe franco-américaine (universités de Montpellier et Princeton) qui a étudié la propagation de l’air exhalé durant une conversation et observé que les gouttelettes projetées dépassaient le mètre de distance conseillé par les recommandations officielles.
* Issus des université de Vienne, de Floride, de Paris (Sorbonne), mais aussi de l'université Clarkson (États-Unis) et du MIT.
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