Face à l'addiction tabagique, nous ne sommes pas tous égaux. Une mutation au niveau du récepteur nicotinique, très fréquente dans la population générale, serait associée à un risque plus élevé de rechute, selon une étude de l'Institut Pasteur et du CNRS en collaboration avec Sorbonne université et INSERM publiée dans « Current Biology ».
Des études de génétique humaine ont identifié 10 ans plus tôt une mutation dans le gène CHRNA5 qui code la protéine constitutive de la sous-unité α5 des récepteurs nicotiniques. Il s'agit d'une mutation ponctuelle à l'origine d'un changement d'un seul acide aminé : l'acide aspartique est remplacé par une asparagine. Les personnes présentant cette mutation (environ 35 % des Européens) ont un risque accru d'addiction au tabac.
La mutation associée à la dépendance de doses encore plus fortes
« Nous avons introduit cette mutation dans le génome de rats, cette espèce étant un bon modèle pour l'addiction, et avons étudié leur comportement face à la nicotine », indique au « Quotidien » Benoît Forget (Pasteur/CNRS), premier auteur de l'étude.
« Les rats ont été placés dans des boîtes avec deux leviers, un inactif, l'autre délivrant de la nicotine. Nous avons fait varier les doses de nicotine afin d'étudier les différences de réponse entre rats porteurs et non porteurs de la mutation », raconte le chercheur. Face aux faibles doses de nicotine, les rats avaient le même comportement quel que soit leur statut mutationnel. En revanche, face aux fortes doses, ceux porteurs de la mutation activaient davantage le levier pour s'auto-administrer plus de nicotine.
Si ce phénomène avait déjà été mis en évidence par d’autres approches, cette étude a également montré que les rats porteurs de la mutation avaient une plus forte chance de rechuter après une période de sevrage.
« Nous avons également étudié l'activité cérébrale pendant la rechute. En particulier, nous avons montré que le noyau interpédonculaire était moins activé en cas de mutation », explique Benoît Forget. Le noyau interpédonculaire est une structure cérébrale qui présente une forte concentration de sous-unités α5 et qui a un rôle essentiellement inhibiteur. « La mutation entraîne de fait un effet activateur par désinhibition. Elle va notamment entraîner une activation des régions cérébrales connues pour leur implication dans la rechute à certaines drogues », ajoute le chercheur.
Une sensibilité moindre à la nicotine
Selon des études précédentes, la mutation est associée à une sensibilité réduite à la nicotine. « Avec la mutation, le noyau interpédonculaire est donc moins sensible à la nicotine, d'où une moindre activation de cette structure », précise Benoît Forget. Par ailleurs, cette sensibilité moindre à la nicotine pourrait expliquer le besoin de rechercher des fortes doses.
À noter que les rats KO pour le gène CHRNA5, qui ne présentaient donc pas la sous-unité α5, ne s'administraient pas de nicotine. « Cela montre que cette sous-unité est nécessaire pour que les rats aient un effet plaisant de la nicotine », souligne Benoît Forget.
« Ces résultats pourraient à terme conduire à la mise au point de médicaments qui vont cibler spécifiquement cette sous-unité des récepteurs nicotiniques », avance le chercheur. « Contrairement aux médicaments existants qui ciblent la majorité des récepteurs nicotiniques, comme la varénicline, ce type de médicament plus ciblé permettrait de réduire les effets non spécifiques. »
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