À l’occasion des 19e Journées nationales de l’infectiologie, qui ont lieu à Nantes du 13 au 15 juin, le Pr Éric Caumes va présenter les résultats d'une étude qu’il a menée dans sa consultation à la Pitié-Salpêtrière, montrant que la grande majorité des patients qui consultent pour une suspicion de maladie de Lyme souffrent en fait d’autre chose… et ont largement été traités abusivement.
L’étude a porté sur 301 patients, ayant consulté entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, pour une borréliose de Lyme supposée, au département des maladies infectieuses et tropicales à la Pitié-Salpêtrière. Parmi eux, 183 étaient des femmes, et l’âge médian était de 50 ans.
Quatre critères diagnostiques
« Nous avons retenu quatre critères diagnostiques pour définir une borréliose de Lyme, explique le Pr Caumes au « Quotidien ». D’abord, un critère épidémiologique : l’exposition aux tiques, critère volontairement large et inclusif, qui concernait 91 % de nos patients (seulement 54 % avaient avec certitude été mordus). Puis un critère clinique caractéristique (présence de signes cliniques de type arthrite, érythème migrant, méningoradiculite…). Ensuite un critère sérologique : nous avons pour celui-ci retenu un test ELISA (qui n’est pas très exigeant et entraîne de nombreux faux positifs) ou un Western Blot, à 3 bandes (là où les Américains en demandent 5, mais il n’y a pas de consensus scientifique à ce sujet). Enfin, nous avons pris en compte la réaction du patient au traitement, en vérifiant s’il était ou non répondeur à une antibiothérapie. »
Le nombre médian d'organes présentant un ou des symptômes était de 3 par patient (entre 0 et 12), d’une durée médiane de 16 mois. Le nombre médian de signes caractéristiques d’une borréliose était de 0 (entre 0 et 2). Parmi les 301 patients, 78 n’avaient pas reçu de traitement avant d’arriver à la consultation du Pr Caumes, et le diagnostic était en fait très clair. « J’ai ainsi reçu une patiente présentant tous les symptômes d’une maladie de Parkinson, que j’ai envoyée chez un neurologue qui a confirmé le diagnostic ; ou encore une autre qui souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique, réactivé à l’occasion d’un voyage dans son pays d’origine, où elle avait subi des violences graves étant enfant », précise le Pr Caumes. Pour 72 autres patients qui n’avaient pas reçu de traitement, le diagnostic n’était pas clair.
Par ailleurs, 135 patients avaient été surtraités (traitements antibiotiques trop longs) et 16 sous-traités. Parmi ces 44,8 % de patients précédemment traités, la durée médiane d’antibiothérapie était de 30 jours (entre 5 et 730 jours), et le nombre médian de cures d’antibiotiques de 1 (entre 0 et 22 cures).
Les 72 patients non traités et les 16 sous-traités ont reçu un traitement antibiotique prescrit par le Pr Caumes (à base de doxycycline ou de ceftriaxone), et sur ces 88 patients, 46 n’ont pas été améliorés et 42 l’ont été.
Des « vraies » maladies sous-jacentes
Les auteurs ont considéré comme Lyme « certain » les patients positifs pour les 4 critères diagnostiques, et comme Lyme « possible », ceux qui en présentaient 3 (dont au moins la réponse favorable au traitement). « Nous parvenons à 9,6 % de Lyme certain (dont quelques-uns n’avaient en effet pas été diagnostiqués précédemment, avec par exemple une arthrite de Lyme typique à côté de laquelle rhumato et infectio étaient passés) et 2,6 % de Lyme possible », indique le Pr Caumes. « Pour les autres, nous sommes parvenus à un diagnostic de maladie relevant de la médecine générale ou de troubles psychologiques (dépression, syndrome de stress post-traumatique, épuisement professionnel, harcèlement moral ou sexuel…) pour 30,8 % ; de troubles musculo-squelettiques et rhumato (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, arthrose diffuse, scoliose…) pour 20,5 % ; de la neurologie (sclérose en plaques, Parkinson, sclérose latérale amyotrophique…) pour 14,4 % ; d’autres pathologies (dont l’apnée du sommeil) pour 19,3 % ; et de polypathologies (par exemple de l’arthrose doublée d’une névralgie cervico-brachiale, ou d’une sciatique). Aucun diagnostic n’a pu être porté pour une vingtaine de patients. Quelques maladies systématiques (lupus, maladie de Horton…) ont aussi été observées. »
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