Contacté par « Le Quotidien », le directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) s'est dit « scandalisé », par la communication faite par la start-up Biosantech et le Dr Erwann Loret, de l'université Aix-Marseille, autour des résultats non encore publiés de l'étude clinique de phase IIA expérimentant un candidat vaccin thérapeutique contre le VIH contenant la protéine Tat Oyi.
Cet essai a été mené par le Dr Isabelle Ravaux du service des maladies infectieuses de l'hôpital la Conception à Marseille. Le Dr Loret n'a pas hésité à affirmer devant la presse que, grâce à ce vaccin, les chercheurs seraient en mesure de faire « gagner 70 ans de trithérapie aux patients ».
Les résultats de l'étude, qui doivent être prochainement publiés dans la revue « Retrovirology », porteront sur 48 patients séropositifs pour le VIH, recrutés en 2013 et répartis en 4 groupes : un groupe placebo et 3 groupes recevant des doses de vaccins différentes. Selon Biosantech, le virus est indétectable chez 9 patients de l'étude au bout de 12 mois de suivi. Au bout de 24 mois, l'ADN viral restait indétectable chez 3 patients.
« À la dose injectée de 33 µg, le vaccin a une efficacité globale voisine de 60 % », précise Biosantech dans un communiqué. Toujours selon l'entreprise, parmi les 12 patients qui ont reçu la dose de 33 µg, 4 avaient une charge virale toujours indétectable un mois après l'arrêt de la trithérapie.
Ces propos provoquent l'incompréhension du Pr Delfraissy qui a eu accès à la publication. « Cette étude n'est concluante qu'en ce qui concerne la tolérance du vaccin, explique-t-il, mais rien n'apparaît en faveur de ce vaccin pour ce qui est de la charge virale. »
Les chercheurs ont également mesuré la charge virale pro DNA, c’est-à-dire la quantité d'ADN intégrée dans les cellules du patient. « Il n'y a que des données à 6 mois, et il n'y a aucune donnée solide sur les cellules infectées », poursuit le Pr Delfraissy.
Un mauvais message
Pour le Pr Delfraissy, ce genre d'interprétation est dommageable. « Nous sommes à la recherche de vaccins thérapeutiques, l'ANRS a deux essais en cours, rappelle-t-il mais il est de notre responsabilité de ne pas susciter de faux espoirs : les résultats qui vont être publiés ne correspondent pas à ce qui est dit dans la presse. »
Mis au point par le Dr Loret, qui a vendu les brevets à Biosantech, le vaccin cible la protéine Tat présente à la surface des cellules infectées et dont le rôle et d'inhiber la réponse immunitaire. En octobre dernier, l'entreprise avait déjà communiqué des résultats très préliminaires, dans le but de trouver un repreneur pour son traitement en développement.
Cette communication en dehors des canaux habituels, et en l'absence de toute publication scientifique, avait déjà suscité le scepticisme du CNRS et du Pr Delfraissy. Contactée par « le Quotidien », le Dr Isabelle Ravaux a souhaité attendre la publication de ses résultats pour s'exprimer d'ici quelques jours.
Biosantech a annoncé vouloir déposer une demande d'essai de phase III de son vaccin candidat auprès de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
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