POUR LA PREMIÈRE fois en plus de quarante ans, les ministres de tutelle étaient absentes lors de la cérémonie du Prix Galien. Mercredi dernier, dans l’une des salles du ministère de la Santé, l’assemblée ainsi que les internautes, qui – c’est une nouveauté, ont pu suivre les festivités en direct sur le site Internet du Galien* –, a cependant pu suivre un enregistrement vidéo de Roselyne Bachelot, qui avait dû avancer son voyage pour l’Afrique du Sud (rumeur dans la salle…). Dans son message, elle a d’abord salué la « constance et la détermination » des organisateurs du prix, Florence et Roland Mehl, puis renouvelé ses « remerciements à toutes celles et ceux qui, grâce à leur dévouement et leur investissement, dans leurs laboratoires recherchent et apportent une réponse aux familles démunies face à la maladie ».
La recherche se décloisonne.
Notre pays continue à investir dans la recherche, qui doit être rendue accessible à chaque malade, a-t-elle insisté. « La France a mis en place un système unique d’accès aux thérapeutiques innovantes, s’est-elle félicitée, rappelant la mise à disposition des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) et celle d’un « mécanisme de financement en sus de la tarification des séjours hospitaliers, ce qui permet à l’innovation d’être accessible sans peser sur le budget de l’hôpital ». Elle a également insisté sur les règles qui ont été instaurées, particulièrement favorables aux médicaments pour les pathologies orphelines. « Notre pays continue à investir durablement dans la santé de ses concitoyens, a-t-elle conclu. Dans les prochaines années, le budget qui lui est consacré va continuer de croître de près de 3 % par an ».
L’autre absente, Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a choisi le même mode d’expression. Dans une seconde vidéo, elle a rendu hommage à son tour à « tout ce que l’innovation scientifique et thérapeutique peut apporter aux malades et à leurs familles ». Elle a également beaucoup insisté sur le partenariat indispensable entre recherches publique et privée. « Quelque chose a changé, s’est-elle réjouie. La recherche décloisonnée, partenariale, que nous appelons tous de nos vœux, se met en place. »
Le Dr Gérard Kouchner, président de UBM Médica France et Bénélux, dont font partie « le Quotidien du médecin » et « le Quotidien du pharmacien », partenaires historiques du prix Galien, a quant à lui soulevé la question « que va probablement poser l’arrivée de ces molécules très innovantes à nos autorités. Nous ne voyons pas bien comment à l’avenir nous n’aurons pas, tous ensemble, à accepter une augmentation de la part du PIB pour les dépenses de santé ».
Pari sur l’avenir.
Trois médicaments ont été récompensés cette année. Et trois laboratoires : « Une jeune pousse, un centenaire et le grand frère de la biotechnologie », a adroitement décrit l’un des trois lauréats, Gilles Marrache, président d’Amgen France. « Le palmarès offre ainsi un joli panel de la créativité de la recherche pharmaceutique. » Dans la catégorie « thérapeutique ambulatoire », c’est le rivaroxaban (nom commercial Xarelto) du laboratoire Bayer qui a remporté le prix. Cet anticoagulant, indiqué dans la prévention des événements thromboemboliques veineux chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale programmée de la hanche ou du genou, remplace l’injection sous-cutanée d’anticoagulant héparinique par l’administration orale d’un comprimé. Un confort notable pour le patient, doublé du fait que la surveillance biologique de la coagulation et de la numération plaquettaire n’est pas obligatoire. Il a reçu une AMM européenne en septembre 2008 et plusieurs études, dont RECORD 1 et 3, ont confirmé son intérêt. D’autres applications sont par ailleurs espérées, notamment dans la prévention des AVC chez les malades ayant une fibrillation auriculaire ou encore dans le traitement de l’embolie pulmonaire ou de la thrombose veineuse profonde.
Deux médicaments ont été reconnus comme innovation thérapeutique dans la même catégorie des « traitements destinés aux maladies rares ». L’azacitidine (Vidaza) d’une part, du jeune laboratoire Celgène (4 ans seulement), et le romiplostim (Nplate), de chez Amgen.
Le premier est destiné au syndrome myélodysplasique (SMD) de risque « intermédiaire élevé » et « élevé ». Jusqu’alors, les patients atteints de cette maladie rare ne disposaient d’aucun traitement spécifique. Le seul traitement qui existait consistait en une allogreffe de moelle, d’une lourdeur extrême, qui, de plus, ne peut être proposée aux patients de plus de 65 ans alors que, précisément, la moyenne d’âge du diagnostic du SMD est de 70 ans. Ces syndromes se caractérisent par une production insuffisante des cellules sanguines tant au plan qualitatif que quantitatif. Ils représentent entre 4 à 5 cas pour 100 000 personnes.
Le romiplostim est, lui, indiqué en cas de purpura thrombopénique idiopathique (PTI), maladie auto-immune dans laquelle des auto-anticorps provoquent la destruction des plaquettes du sang. Cette maladie hématologique étant rare (1,6 cas pour 100 000 en France), le romiplostim bénéficie du statut de médicament orphelin. Il apporte une amélioration significative de la qualité de vie des malades, la diminution des recours aux traitements d’urgence et constitue une alternative en cas de contre-indication à la splénectomie.
Pour le président du jury**, élu pour trois ans à cette charge, le Pr Charles Caulin, ancien chef de service de médecine interne à l’hôpital Lariboisière, le regard du Galien sur ces nouveaux médicaments est « tout à fait singulier. Il est une tentative de projection dans l’avenir d’une innovation thérapeutique. C’est un pari sur l’avenir : en quoi ce nouveau traitement pourra-t-il demain modifier la prise en charge du malade ? Nous croyons en son avenir mais nous connaissons aussi les aléas de leur évolution, qui doit se poursuivre. Le Galien n’est pour eux qu’une étape. »
* La cérémonie de remise du prix Galien est visible sur le site : http://www.prixgalien.com.
** Outre le président le Pr Charles Caulin et sa vice-présidente Monique Adolphe, ancienne présidente de l’Académie nationale de pharmacie, le jury était composé des Prs Yves Agid, Claude Bohuon, François Chast, Jean Costentin, Pr Michel Desnos, David Khayat, Frédérique Kuttenn, Géraud Lasfargues, Catherine Leport, Jean-Pierre Olié, Philippe Orcel, Jean Revuz, Jean-Pierre Reynier.
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