Il a fallu attendre le 20e siècle pour comprendre que l'activité de l'organisme sur les 24 heures n'est pas seulement régulée par des signaux extérieurs, tels que la lumière. En chacun de nous, il existe une horloge biologique interne qui anticipe les cycles jour/nuit et optimise la physiologie corporelle.
C'est la découverte des bases moléculaires des cycles circadiens qu'a choisi de récompenser en 2017 le comité Nobel en décernant le célèbre Prix du même nom aux Américains Jeffrey Hall, Michael Rosbach et Michael Young.
Il était connu depuis l'Antiquité que les organismes adaptent leur physiologie au fil de journée via l'observation des plantes. En 1729, l'expérience d'un Français, l'astronome Jean Jacques d'Ortous, marque un tournant. Un mimosa placé dans l'obscurité continue à s'ouvrir et à se fermer de façon rythmique et corrélée au moment de la journée. C'est le premier élément en faveur d'une horloge endogène.
La connaissance du rythme circadien ne décolle vraiment qu'à partir des années 1960. En 1971, le biologiste Seymour Benzer met le doigt sur le premier gène de l'horloge, appelé plus tard le gène period. Dix ans après, Hall et Rosbach à l'université Brandeis et Young à l'université Rockfeller arrivent à isoler et à caractériser ce gène period sur le plan moléculaire.
Une boucle de rétrocontrôle transcriptionnel
Mais, pour mettre à jour le contrôle complexe de l'horloge biologique à l'échelle moléculaire, il faut attendre toute une série de découvertes, dont l'identification d'autres gènes partenaires de period. Ce n'est qu'ensuite qu'a pu être décrit le mécanisme moléculaire fondamental : une boucle de rétrocontrôle transcription-translation. La transcription de period et de son gène partenaire timeless est réprimée par leurs propres protéines, les protéines PERIOD (PER) et TIMELESS (TIM).
Cette découverte fondatrice est faite en 1984 par Hall et Rosbach et simultanément à 350 km de là par Young dans son laboratoire de l'université Rockfeller à New York. C'est ce mécanisme précis qui génère une oscillation autonome. Ce paradigme totalement nouveau à l'époque a posé les bases de la compréhension fine de l'horloge interne. S'en sont suivies par la suite de nombreuses études allant plus loin dans la description de la complexité et l'interaction de plusieurs boucles de rétrocontrôle.
L'horloge biologique, un nouveau paramètre en médecine
L'activité des oscillateurs circadiens internes est soumise à l'influence de signaux extérieurs, principalement la lumière. Le noyau suprachiasmatique (NSC) dans l'hypothalamus reçoit les informations via la rétine : c'est le pacemaker principal. À côté de cette horloge centrale, il existe, au niveau des tissus et des organes, des horloges périphériques qui sont sous l'influence de facteurs environnementaux (alimentation, activité physique, température). Ces différents oscillateurs fonctionnent en un réseau interconnecté avec des boucles de rétrocontrôle.
La chronobiologie contrôle des fonctions physiologiques variées, telles que le sommeil, le comportement alimentaire, la température corporelle, le relargage d'hormone, la pression artérielle ou encore le métabolisme. Plusieurs pathologies sont associées aux troubles du rythme circadien, en particulier les troubles du sommeil mais aussi la dépression, pour laquelle la photothérapie a fait ses preuves. Le travail posté est associé à de très nombreuses pathologies, notamment métaboliques (syndrome métabolique, obésité, diabète), cardiovasculaires et de santé mentale.
Récemment, l'équipe lilloise du Pr Montaigne a montré dans « The Lancet » une sensibilité accrue du cœur à l'ischémie le matin par rapport à l'après-midi, ce qui ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques de « déphasage » du cœur pendant une intervention chirurgicale. Autre application, la chronothérapie développée par le Pr Francis Lévi dans les cancers permet d'optimiser la chimiothérapie, à la fois pour la tolérance et l'efficacité.
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