L’inhibiteur de tyrosine kinase masitinib, créé par le laboratoire français AB Science, franchit un cap supplémentaire. Le laboratoire a reçu début janvier une autorisation de l’Agence du médicament (ANSM) pour entamer une étude de phase 3 dans les formes progressives de sclérose en plaques (SEP), contre lesquelles aucun des 15 traitements disponibles pour la SEP récurrente-rémittente n’est opérant.
Dernière étape avant une éventuelle autorisation de mise sur le marché (AMM), cette étude passe par le recrutement de quelque 800 patients en Europe et en Amérique du Nord pour des résultats attendus en 2025.
Lors de la 8e réunion conjointe de l’Americas Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis (Actrims) et de l’European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis (Ectrims), les investigateurs ont présenté des travaux (publication en cours) où le masitinib a réduit « le risque de première progression du score EDSS de 42 % et le risque de progression confirmée (trois mois) du score EDSS de 37 %. » Le traitement a également significativement réduit le risque d’atteindre un score EDSS de 7, « ce qui correspond à un handicap suffisamment grave pour que le patient se déplace avec un fauteuil roulant. »
Retarder la progression
« À ce jour, la grande majorité des traitements utilisés dans la SEP ciblent le système immunitaire adaptatif du patient et concernent donc principalement les formes rémittentes de la maladie, a expliqué à cette occasion le Pr Patrick Vermersch, neurologue au CHU de Lille et investigateur principal de l’étude. Cependant, les patients souffrant d’une forme progressive représentent actuellement environ 50 % des cas de SEP ».
« Il faudra sans doute environ 18 mois pour recruter des patients pour cette étude de phase 3 confirmatoire. Puis, il faudra environ deux ans pour évaluer la réduction de progression de la SEP », détaille Alain Moussy, le PDG d’AB Science. Les patients recrutés pour cette étude devront présenter un score EDSS compris entre 3 et 6.
« L’objectif principal de l’étude sera d’évaluer l’effet du masitinib sur le délai avant progression confirmée du handicap, la progression étant définie comme une aggravation d’un point lorsque le score EDSS à l’inclusion est inférieur ou égal à 5,5, ou d’un demi-point lorsque ce score à l’inclusion est strictement supérieur à 5,5, entre la randomisation et la semaine 96 », précise le laboratoire coté à la Bourse de Paris.
Huit indications à l’étude
Ciblant les mastocytes et les microglies, ces deux populations de cellules du système immunitaire inné jouant un rôle aggravant dans certaines pathologies neurologiques, inflammatoires et oncologiques, le masitinib – qui a pour rôle de les bloquer – est actuellement soumis à étude dans huit indications : les formes progressives de la SEP désormais en phase 3, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), la mastocytose, la maladie d’Alzheimer, les cancers métastatiques de la prostate et du pancréas, l’asthme ainsi que le Covid-19 en phase 2.
« L’ensemble de ces pathologies sont liées à l’activation des mastocytes. Tout le champ exploratoire du masitinib porte sur le blocage des kinases qui les activent », explique le Pr Olivier Hermine, hématologue à l’hôpital Necker (AP-HP) et président du conseil scientifique d’AB Science.
Pour le Covid-19, AB Science devrait savoir dans les mois qui viennent si la molécule fonctionne comme antiviral, son postulat étant que les enzymes du masitinib sont en capacité de bloquer les protéines du coronavirus. Cependant, le laboratoire reconnaît en la matière « une étude difficile » d’autant que la dexaméthasone a déjà un effet positif chez les patients sévèrement touchés. En parallèle, AB Science a lancé une deuxième étude chez des patients moins sévères afin de déterminer la capacité antivirale du masitinib.
Ces deux études arriveront à terme en 2022. Bien lancés, les programmes de recherche liés au masitinib connaissent néanmoins quelques soubresauts. L’an dernier, différents essais auxquels il est associé ont été suspendus en l’espace de quelques mois. « Après plusieurs analyses est apparu un signal pouvant laisser penser que les personnes atteintes de pathologies cardiaques sévères pouvaient mal supporter leur traitement, rapporte Alain Moussy. En poussant plus loin nos recherches, il n’a pas été confirmé de lien avec le masitinib. Cependant, nous avons proposé à l’ANSM de renforcer nos critères d’éligibilité pour exclure les patients présentant des antécédents de maladies cardiovasculaires sévères. » Sur la bonne voie, mais sans AMM à ce jour, le masitinib doit donc encore confirmer son efficacité en phase 3, mais aussi sa tolérance.
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