Même s’ils demeurent exceptionnels quand on les rapporte aux données de l’épidémie, les recours à la justice pénale pour des faits de transmission ou d’exposition au risque de transmission du VIH sont en augmentation. De 3 en dix ans entre 1998-2007 à 20 pendant les 7 dernières années.
Le Conseil national du sida - dont les missions ont été élargies aux hépatites virales - alerte aujourd’hui sur l’augmentation de ces recours qui paradoxalement interviennent dans un contexte de « relative normalisation à la fois thérapeutique et épidémiologique de l’épidémie » avec une diminution du préjudice de santé entraîné par la contamination par le VIH.
Incertitude juridique
Le CNS s’alarme en particulier de l’utilisation d’autres moyens de protection que le préservatif. « Il ne peut être garanti que les autres moyens de protection puissent être retenus comme recevables dans le cadre d’une procédure pour transmission ou exposition au risque de transmission du VIH », s’inquiète le CNS qui souligne que cette incertitude juridique risque de compromettre les stratégies de prévention, notamment la recommandation du rapport d’experts 2013 sur la prise en charge du VIH, qui vise à initier un traitement à des fins de prévention.
Depuis l’avis du CNS de 2006 qui faisait suite à la controverse suscitée par la condamnation à six années de prison d’un homme accusé d’avoir contaminé deux anciennes compagnes auxquelles il avait dissimulé sa séropositivité, une vingtaine d’affaires ont été jugées en France. Les données recueillies sur les 23 prévenus et les 34 victimes impliquées dans ces affaires mettent en évidence une surreprésentation des cas de transmission hétérosexuelle - plus de 3/4 des procédures alors que la transmission homosexuelle concerne 45 % des personnes suivies pour le VIH en France. Le CNS rappelle que c’est en 2003 à Marseille qu’un petit groupe de femmes séropositives s’est organisé au sein d’une association, « Femmes positives ». Ces femmes avaient le sentiment d’avoir été trahies, dans le cadre d’une relation de couple stable par un partenaire qui les a sciemment entretenues dans l’ignorance du risque qu’il leur faisait courir. Elles avaient aussi le sentiment d’être des « ni, ni » c’est-à-dire qu’elles n’avaient pas conscience du risque puisqu’elles n’appartenaient pas aux groupes dits à risque. La prédominance des femmes parmi les plaignantes alors que les prévenus sont des hommes de même que les circonstances de la contamination - une relation de couples dans la quasi-totalité des cas - confirment cette évolution historique. Les données montrent également une sous représentation importante des personnes immigrées originaire d’Afrique subsaharienne (seulement 1 plaignante sur 26 alors quelles représentent 54 % des femmes hétérosexuelles prises en charge pour le VIH en France).
Informations juridiques et scientifiques
Parmi les 23 procédures jugées, la majorité relevait d’une juridiction correctionnelle et seulement 5 d’une juridiction d’assises. « La prison constitue la peine de référence, puisque le choix des tribunaux s’est systématiquement porté sur des peines d’emprisonnement, d’une durée d’une à douze années », déplore le CNS qui rappelle que l’incarcération n’est pas en soi un moyen de limiter la diffusion du VIH. « Il est au contraire démontré que la prison est un lieu de pratiques à risque élevé de transmission », poursuit le Conseil. De même, « l’effet dissuasif plus généralement escompté des peines de prison apparaît incertain ».
Le CNS rappelle l’impératif de renforcer la lutte contre la stigmatisation et de renforcer la prévention et le dépistage. Il recommande d’améliorer l’information des juges sur la problématique de la transmission du VIH en l’intégrant dans leur programme de formation. De même, il insiste sur la formation des officiers de police qui auront à mener les enquêtes. Pour prévenir la récidive, le CNS recommande de favoriser l’insertion et la réinsertion des personnes condamnées, d’améliorer leur accompagnement et d’appliquer des peines alternatives de privation de liberté (placement sous surveillance électronique, semi-liberté... travail d’intérêt général par exemple). Le CNS demande aux autorités de permettre un accès large et adapté à des informations juridiques et scientifiques « à jour et de qualité » sur la pénalisation de la transmission et l’exposition au risque de transmission. Il cite notamment la création d’une mission chargée de la conception et de la mise à disposition d’outils d’information adaptés aux professionnels et personnes concernés.
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