La publication scientifique souffre d’un véritable biais : les études présentant un résultat positif – autrement dit celles qui ont prouvé une de leurs hypothèses – sont considérablement plus nombreuses à être publiées que celles qui aboutissent à un résultat négatif. C’est ce qu’on appelle le biais de publication. Certains journaux à comité de lecture cherchent à lutter contre ce phénomène en proposant un « pré-enregistrement » du protocole des études, avant leur réalisation. Aujourd’hui, des chercheurs de l’université de Cardiff (Grande-Bretagne) montrent que les études passées par ce processus ont davantage de chances de faire état d’un résultat nul. Ce qui rend la science plus transparente et robuste.
Éviter la censure et la falsification
Il est urgent d’agir car le biais de publication s’accentue avec le temps, au point que de nombreux scientifiques parlent désormais de « crise de la publication ». La proportion de résultats positifs dans la littérature scientifique serait ainsi passée de 70,2 % en 1990-1991 à 85,9 % en 2007. Plusieurs raisons à cela : d’une part, les revues scientifiques à comité de lecture publient plus volontiers des études qui apportent des résultats positifs. Elles sont plus faciles à mettre en avant, davantage lues et souvent reprises par les journalistes.
D’autre part, les chercheurs eux-mêmes s’autocensurent : sachant qu’ils n’apporteront pas un résultat positif et qu’un grand nombre de revues ne publieront pas leur étude, ils ne les présentent tout naturellement pas. Or l’absence de résultats négatifs biaise les méta-analyses qui reposent alors sur un nombre anormalement grand de résultats positifs. Pire, cela accentue les risques de fraude, certains scientifiques corrigeant leur hypothèse de départ lorsqu’ils s’aperçoivent que les résultats obtenus ne vont pas dans le sens espéré.
141 journaux concernés
De nombreuses initiatives ont été prises pour injecter de la transparence dans la façon dont la science se fait. L’une d’elle est portée par 141 journaux à comité de lecture : ils poussent les équipes de recherche à pré-enregistrer leur étude, ce qui consiste à soumettre leur protocole à un comité de pairs avant même que la collecte des données commence. Si le protocole est approuvé, le journal s’engage à en publier le résultat, quel qu’il soit. À l’heure actuelle, 130 études passées par ce processus ont été publiées.
Cela augmente-t-il la publication des résultats négatifs ? C’est ce qu’ont cherché à comprendre les psychologues Chris Allen et David Mehler de l’université de Cardiff, en Grande-Bretagne. Ces derniers ont analysé 113 protocoles pré-enregistrés en psychologie et en recherche biomédicale. Ils posaient en tout 296 hypothèses. 61 % d’entre elles ont abouti à un résultat nul et malgré tout publié. C’est bien plus que la proportion de résultats nuls publiés dans la littérature scientifique (qui varie entre 5 et 20 % selon les auteurs). Reste à voir si cela poussera les plus prestigieuses revues à comité de lecture – Nature, New England journal of medicine, Cell… – à s’engager dans cette voie.
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