LE QUOTIDIEN : Parmi les six derniers programmes de recherche sélectionnés par l'AFRETh au titre de son appel à projets 2018, votre conseil scientifique soutient notamment une étude médico-économique dans le champ de la pédiatrie. Quelles sont les raisons de ce choix ?
Pr CHRISTIAN-FRANÇOIS ROQUES : Le thermalisme pédiatrique a beaucoup diminué ces dernières années, pour de multiples raisons liées aux évolutions médicales pour les affections ORL, aux problématiques d'hébergement ou les difficultés des familles à organiser une cure conventionnée de trois semaines pour leurs enfants. Afin d'évaluer l'intérêt de la cure thermale en pédiatrie, nous avons d'abord essayé un essai contrôlé randomisé en pédiatrie, sur l'otite subaiguë de l'enfant. On a globalement réussi à enrôler 25 sujets au lieu des 175 initialement prévus, avec des résultats qui se sont avérés inexploitables. On a donc pensé qu'il fallait avoir une autre approche, d'où PEDIATHERM, une étude médico-économique sur l'Impact des cures thermales sur la consommation de soins chez les enfants. Coordonnée par le Dr Agnès Sommet du CHU Toulouse, cette étude va se conduire à partir de l'échelon général de bénéficiaires, la base de données assurance maladie qui est un échantillon au 1/97e de l'ensemble des assurés sociaux. Il y a dans cet échantillon 120 000 enfants et parmi eux, on doit pouvoir récupérer les 400 qui font des cures thermales et les comparer avec 400 enfants ayant les mêmes profils santé et qui ne sont pas curistes pour les voies respiratoires et en dermatologie.
Quelles sont les autres nouvelles études retenues par l'AFRETH pour 2018 ?
Il y a d'abord LOMBATHERM qui va évaluer le traitement thermal de la lombalgie chronique. C'est le grand essai qui nous manquait en rhumatologie. Sa mise en place sera longue, avec beaucoup de centres concernés et entre 200 et 356 patients à inclure. Mais je pense qu'on va y arriver et qu'on aura une belle étude. SEP-SPA est un programme coordonné par le Pr Isabelle Laffont du CHU de Montpellier qui doit permettre de rendre compte de l'efficacité des cures thermales dans la prise en charge de sujets porteurs de sclérose en plaques. C'est la première fois qu'on nous propose une étude dans le domaine de cette affection neurologique chronique. Si l'étude est incontestablement très intéressante, reste à savoir si l'on aura la capacité de recruter les presque 200 patients dont on a besoin. Trois autres études ont été retenues dans le cadre de l'appel à projets 2018 : SOMNOTHERM va comparer l'efficacité d'un programme d'éducation à la gestion du sommeil chez des patients formés dans leur cadre habituel de vie et d'autres formés durant la cure thermale. RESPECT est une autre étude qui va se pencher sur la prévention de la chute chez les 65 ans et plus en centre thermal. Enfin, LITHOTHERM va évaluer un nouveau de format de cure courte dans la prise en charge des fragments lithiasiques résiduels après lithotritie extra-corporelle. Toutes ces études comprennent un tirage au sort et un élément de comparaison (essais contrôlés randomisés).
Qu'en est-il des deux études de l'appel à projets 2017 et des autres études en cours ?
Concernant NEURO IMMUNO PEAU qui étudie, in vitro sur des cellules cutanées, l'action de l'ion sulfure sur l'inflammation neurogène, une première phase d'expérience a déjà été réalisée. Elle a permis de mettre en évidence une action de type cicatrisante de l'ion sulfure sur ces cellules cutanées.
Avec cette étude de physiopathologie, on essaye de comprendre comment la cure thermale agit. C'est un complément de la démonstration du SMR. Notre désir c'est de tester d'autres minéraux présents dans les eaux des stations de dermatologie qui prennent en charge les maladies de peau chroniques comme le psoriasis. Quant à l'étude GETT2 sur l'évaluation de l'éducation thérapeutique dans la gonarthrose, elle est en cours de mise en place et on espère qu'elle pourra démarrer cette année. L'équipe qui la porte a achevé l'été dernier le recrutement dans une autre étude dénommée MUSKA sur les troubles musculo-squelettiques. D'autres études, d'appels à projets plus anciens, sont aussi en cours de mise en place comme FIBROTHERME sur l'évaluation du SMR de la cure thermale dans la fibrose tardive séquellaire après radiothérapie post opératoire pour cancer du sein en rémission ou THERMOEDEME dans le traitement thermal du lymphœdème du membre supérieur. Certains essais contrôlés randomisés sont par ailleurs arrivés aujourd'hui au stade de suivi des patients : FIETT (fibromyalgie éducation thérapeutique en cure thermale) incluant 157 sujets, THERMACTIV sur le suivi monitorisé de l'activité physique en cure (220 patients) et FIBROTHERM qui évalue le SMR de la cure dans la fibrose tardive séquellaire après radiothérapie post opératoire pour cancer du sein en rémission. En 2018, il y a également deux études qui sont en train de faire l'objet de révisions à partir d'avis de comités de lecture. Deux études sont aussi en cours de rédaction : l'une sur l'évaluation de l'ETP chez les sujets en surpoids (EDUCATHERM) et l'autre relative à la consultation de « prévention santé » en milieu thermal pour les seniors. On espère plusieurs nouvelles publications dans les mois qui viennent.
Quelles sont vos priorités dans l’optique de l’appel à projet de recherche pour 2019 dont les avant-projets des dossiers doivent être soumis à l’AFRETH d’ici au 31 mars prochain ?
Nous avons quatre rubriques dans cet appel à projets, à commencer par les essais cliniques ou études médico-économiques dans tous les domaines de la médecine thermale en particulier ceux où l’on manque d’investigation comme les affections digestives chroniques, les séquelles d’accident cérébral, le burn-out ou les affections douloureuses chroniques. On a ensuite les études de faisabilité de nouveaux formats de cure ou de nouveaux champs de compétences, en particulier des interventions qui incluent des programmes d’éducation. Outre les études d’identification des mécanismes d’action, une quatrième rubrique concerne l’évaluation du rôle spécifique de l’élément hydrominéral dans la cure. L’appel à projets 2018 qui a été traité en 2017 s’est avéré particulièrement fructueux. C’est peut-être le fait que les investigateurs se sont rendu compte que nous étions particulièrement attentifs à la qualité méthodologique des dossiers examinés par notre conseil scientifique. Depuis 2005, près de 140 projets de recherche nous ont été soumis pour un peu moins d’une cinquantaine financée par l’AFRETh et, à ce jour, plus d’une vingtaine de publications.
Dans leur rapport d’information sur le thermalisme de juin 2016, des parlementaires ont appelé à développer les études de démonstration du SMR en matière d’éducation thérapeutique. Qu’en est-il de l’évaluation des programmes ?
Les programmes d’ETP mis en œuvre dans les stations thermales et qui ont été construits au niveau national ont fait ou font l’objet d’une évaluation scientifique. Des études ont déjà été menées dans le sevrage de benzodiazépine, les suites de cancer du sein, l’insuffisance veineuse, la lombalgie et la fibromyalgie.
D’autres études sont en cours dans des domaines comme l’activité physique, la gonarthrose. Ce qui nous a rendus crédibles auprès des pouvoirs publics, c’est cet effort de validation scientifique. Le fait de réaliser une étude aide également à la mise en place des programmes. Cela assure un financement qui permet de former des personnels, de tester la capacité des équipes à la faisabilité des programmes d’ETP. J’estime nécessaire une évolution du thermalisme où l’on va comprendre que les soins éducatifs font partie de la prise en charge en cure au côté des soins hydrothermaux. Si l’on veut avoir une gestion pertinente de la maladie chronique, il faut arriver à cette conception et manifestement, l’assurance maladie est dans cette logique. Jusqu’à la dernière convention thermale, l’éducation thérapeutique était totalement à la charge ou de la station ou du patient. C’était un gros frein. Cette année, la Sécurité sociale a accepté de participer au financement de l’ETP pour les suites de cancer du sein, et pour les sevrages de benzodiazépines. Si les financements restent encore limités à large échelle, il y a un mouvement qui est en place et je pense qu’il va aller en s’amplifiant. Pour moi, c’est l’un des éléments essentiels pour l’avenir de la médecine thermale.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation