À l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), les femmes sont majoritaires : elles représentent 63 % des effectifs. Pourtant, en avril 2017, seules 26 % d'entre elles occupaient un poste à responsabilités et 25 % étaient invitées pour être conférencières lors des séminaires hebdomadaires de l'institut. Dans une lettre parue dans « Nature Human Behaviour », des chercheurs et des cliniciens du Comité XX initiative de l'ICM expliquent comment, en l'espace d'un an et demi, ils sont parvenus à faire passer ces chiffres à respectivement 31 % et 44 %. Violetta Zujovic, chercheuse à l'INSERM, nous en dit plus sur le rôle du Comité XX initiative.
LE QUOTIDIEN : Dans quel contexte s'est créé le Comité XX initiative ?
VIOLETTA ZUJOVIC : Le comité a été créé fin 2017 après que plusieurs jurys internationaux venus à l'ICM nous ont fait remarquer un déséquilibre hommes/femmes au niveau des comités décisionnels. Dans un premier temps, nous étions une quinzaine de neurobiologistes à nous réunir pour récolter et analyser des données et identifier à quelles étapes les femmes sont bloquées dans leur carrière. Nous cherchons à comprendre les mécanismes qui empêchent les femmes d'accéder à des positions cruciales.
Aujourd'hui, d’autres collègues de l’ICM, notamment des cliniciens de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) où se situe l'ICM, nous ont rejoints. Nous sommes désormais 44. Des discussions sont par ailleurs en cours pour se coordonner avec d’autres comités aux démarches similaires à l'institut Pasteur, l'institut Curie, l'École normale supérieure et les universités de Caen et de Bordeaux.
Comment expliquer ces inégalités de carrière entre hommes et femmes ?
Nous savons qu'il existe des biais inconscients : lors d'une prise de décision, nous n'analysons pas forcément l'ensemble des informations à notre disposition. Cela introduit des biais, car notre façon d'appréhender l'information dépend de notre éducation, de notre vision de la société et de l'environnement, etc.
En France, alors que les femmes semblent disposer de plus de moyens que les Anglo-saxonnes pour réussir leur carrière, comme le congé maternité ou les crèches, elles n'y parviennent pas davantage. Alors que des études montrent que le contexte professionnel n’est pas toujours favorable à leur nomination à des postes à responsabilité, on constate aussi une certaine forme d'auto-inhibition de la part des femmes dans leur parcours professionnel. Cela nous a poussés à une remise en question.
Entre avril 2017 et 2019, le nombre de femmes à des postes de direction a augmenté à l'ICM. Quelle a été votre démarche pour parvenir à cette augmentation ?
La diffusion des résultats de l'enquête d'avril 2017 a entraîné une prise de conscience générale. En parallèle, nous avons aussi mis en place une communication pour informer de l'influence des biais cognitifs sur la prise de décision afin de tenter de corriger ces biais. Nous avons également lancé une formation pour que les étudiantes aient davantage confiance en elles. Cette formation est maintenant ouverte à tous, femmes et hommes, pour informer la prochaine génération de chercheurs de l’importance de ces biais.
Depuis la mise en œuvre de ces actions, l'ICM compte davantage de chefs d'équipe féminins. Nous sommes aussi attentifs au fait d'inviter plus de femmes, de l'ICM et d'ailleurs, lors des séminaires.
Quelles sont les prochaines actions du Comité XX initiative ?
Le 3 avril 2020, nous organisons un workshop ouvert à tous sur les biais de genre. Nous avons invité différents profils – des spécialistes des biais de genre et des biais cognitifs, mais aussi des représentants d'entreprise – pour comprendre les mécanismes et les moyens que l'on peut utiliser pour lutter contre ces biais. Nous espérons que des idées et des actions concrètes en ressortiront, tels que les recours aux « nudges », technique qui consiste à influencer les comportements ou les décisions d'un individu de façon astucieusement indirecte sans lui donner d'instruction explicite ni d'obligation.
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