Découverts chez le chameau et le lama

Bientôt, peut-être, des nanobodies contre le VIH

Publié le 13/12/2010
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Crédit photo : CDC

De notre correspondant

LES TENTATIVES de ciblage, par les anticorps monoclonaux, des récepteurs couplés à la protéine G (GPCR), qui constituent un vaste réservoir de cibles thérapeutiques potentielles, sont freinées par la difficulté d’accès des sites antigéniques de ces récepteurs. Des Hollandais semblent avoir réussi à contourner l’obstacle en montrant que des nanobodies (des fragments d’anticorps constitués d’un seul domaine) dirigés contre le récepteur de chimiokines CXCR4 possédent une forte activité antirétrovirale contre le VIH-1. Ils induisent en outre, chez le singe cynomolgus, une mobilisation des cellules souches CD34+, une propriété également très intéressante.

Les GPCR se prêtent difficilement à l’utilisation thérapeutique des anticorps monoclonaux en raison de la localisation transmembranaire de leurs sites antigéniques. C’est pourquoi les applications, dans ce domaine, se sont limitées au ciblage par des molécules de petite taille. Les nanobodies, découverts chez les camélidés (chameaux et lamas) chez qui ils existent naturellement, sont constitués de simples domaines d’anticorps dits VHH, de taille (12 à 15 kDa) beaucoup plus réduite que les anticorps. Ils représentent une voie de recherche intéressante en raison de plusieurs qualités (faible antigénicité, grand pouvoir de pénétration tissulaire, stabilité) mais, surtout, de leur capacité à se lier aux antigènes cryptiques (ignorés du système immunitaire).

Le récepteur CXCR4.

Les chercheurs des Pays Bas, en association avec des Belges, ont testé deux nanobodies monovalents (283D2 et 283D4) anti-CXCR4. Le récepteur CXCR4, qui fait partie de la famille des récepteurs couplés aux protéines G, intervient, entre autres rôles pathologiques (inflammation, métastases), dans le mécanisme d’entrée du VIH dans la cellule. Ces deux nanobodies présentent une très forte sélectivité pour le récepteur CXCR4 (plus de fois 1000 fois supérieure à l’affinité pour les autres récepteurs GPCR). La puissance de l’affinité pour CXCR4 est encore accrue en couplant les deux nanobodies sous la forme de constructions biparatopiques: 283D2-15GS-283D4 (L3) et 283D2-20GS-283D4 (L8).

L’équipe de Martine Smit a ensuite testé l’activité anti-VIH-1 des nanobodies. La réplication virale des souches X4 NL4.3 et R5/X4 HE est inhibée par des concentrations nanomolaires de 283D2 ou de 283D4 tant sur des cellules MT-4, qui expriment le récepteur CXCR4 mais non le récepteur CCR5, que sur des PBMC (cellules mononucléées de sang périphériques) humaines, qui, elles, expriment les deux récepteurs. Les constructions biparatopiques L3 et L8 ont une activité inhibitrice du VIH-1 encore plus forte, à des concentrations picomolaires. Cet effet est absent contre les souches virales R5 BaL (d’expression CCR5), ce qui démontre que l’activité inhibitrice des nanobodies 283D2 et 283D4 et leurs constructions biparatopiques reposent exclusivement sur une interaction avec le récepteur CXCR4.

Une seule injection I.V..

Les auteurs montrent, enfin, chez le singe cynomolgus, qu’une seule injection I.V. du nanobody biparatopique L8 induit une mobilisation dose-dépendante des leucocytes et des cellules souches CD34+ comparable à celle produite par l’AMD3100 (plerixafor), un antagoniste du CXCR4 qui a démontré son efficacité clinique contre les virus exprimant ce récepteur chez des sujets infectés par le VIH.

Les nanobodies développés par les Hollandais possèdent donc, à côté d’une grande sélectivité, une puissante activité d’antagonistes compétitifs du récepteur de chimiokines CXCR4 jamais démontrée jusqu’ici par des anticorps ou des dérivés d’anticorps. L’optimisation du profil pharmacologique de ces composés au moyen de la technologie des constructions biparatopiques permet, en outre, d’obtenir, à des concentrations extrêmement basses (picomolaires), une activité anti-rétrovirale au travers de l’inhibition d’un acteur important du mécanisme d’entrée du VIH dans la cellule.

Les auteurs estiment que ces nanobodies représentent l’inhibiteur de CXCR4 le plus puissant jamais décrit à ce jour. A cela s’ajoute une capacité à mobiliser les cellules souches CD34+ aussi rapidement que l’AMD3100, une qualité qui accroît encore l’intérêt potentiel de ces nanobodies puisque l’absence de mobilisation de ces cellules est responsable de la réponse insuffisante des patients atteints de myélome multiple ou de lymphome non-Hodgkinien au traitement par le facteur de croissance G-CSF.

Jähnichen S, Smit MJ et coll. PNAS (2010) Publié en ligne.

Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8875