L’ARANÉOLOGUE Christine Rollard, enseignante-chercheuse au Muséum national d’histoire naturelle, porte sa passion jusque sur ses bijoux. Depuis 23 ans qu’elle les fréquente, elle est devenue l’une des grandes spécialistes françaises des araignées, se fixant comme gageure, non pas forcément de les faire aimer mais, pour le moins, de les faire connaître. « On a peur que de ce que l’on ne connaît pas », assure-t-elle, confiante. Ce matin-là, à quelques jours de l’ouverture de l’exposition, c’est avec un petit groupe de journalistes qu’elle tente de combattre les clichés néfastes, prouvant, une fois encore, la force de la raison.
Le lieu de chasse se trouve dans les jardins écologiques du Jardin des Plantes. C’est une fatalité : « On vit entourés d’araignées », la plus petite mesurant 0,3 millimètre. « De quoi l’avaler sans même s’en apercevoir ! », suggère Christine Rollard. La majorité sont minuscules, de 5 mm en moyenne jusqu’à 10 à 15 cm de taille de corps. L’auditoire se fige. « Ce n’est pas la grosseur qui fait le danger », enchaîne-t-elle, racontant que les plus grosses qu’elle ait vues dans sa carrière se trouvaient en Guyane. « On les faisait sortir de leur terrier ! »
L’astuce pour observer les araignées, c’est évidemment de suivre « le fil de rappel qu’elles ont au derrière », un fil, à diamètre égal, plus solide que de l’acier, avec une mémoire de forme 5 à 12 fois plus grande que le latex. Un coup de brumisateur et voilà que l’on découvre, tapie à côté de sa toile, une épeire de l’ombre. « Toutes les araignées ne font pas de toile mais il y en a qui sont caractéristiques de certaines espèces ». Pour faire tomber les arboricoles, l’aranéologue utilise la technique du battage avec le parapluie japonais. Grâce à un aspirateur à bouche, elle les collecte ensuite dans un tube. Impossible, pour la plupart, de les nommer à l’œil nu : il faut nécessairement les tuer et effectuer un prélèvement. L’empathie est naissante.
Le seul élément plus facilement visible, c’est le sexe de l’araignée, le mâle étant doté de deux bulbes copulateurs en forme de gant de boxe qui se glissent dans la fente génitale de la femelle placée sous l’abdomen. Un moment unique dans sa vie, qui marque toutefois sa fin prochaine : la femelle, qui cherche à se nourrir en prévision de sa maternité, s’en accommode parfois. « De toute façon, il meurt quand même », analyse l’aranéologue. Prévoyant, le mâle de la pisaure admirable se présente à la femelle avec une proie emmaillotée dans de la soie.
« Aujourd’hui, on compte environ 42 000 espèces dans le monde, dont 1 650 en France, mais on en découvre chaque année », avec leur particularité, comme le montre l’exposition. Avec ses 25 000 espèces, la collection du Muséum national est l’une des trois les plus fournies au monde, après l’American et le British Muséum.
Des dangers très surestimés.
Saisissant l’air au vol, les araignées ont conquis tous les milieux : l’argyronète arrive même à vivre sous l’eau. Elles sont également multiformes et multicolores. Il est vrai que l’espèce la plus connue, la tégénaire des maisons, n’est pas la plus jolie, reconnaît Christine Rollard. Une vingtaine d’espèces serait inféodée aux habitations, chassant moustiques, tiques, puces et autres insectes. Sa réputation de prédatrice lui vaut d’ailleurs d’être accusée, à tort, de nombreux maux. Or, si leur venin, très toxique, permet de foudroyer les insectes, ses composants sont très rarement actifs sur l’homme. Sur les 40 000 espèces, une centaine d’araignées peuvent provoquer des réactions chez l’homme (tachycardie, sueurs froides, contraction musculaire), une dizaine être réellement dangereuses, comme la veuve noire.
« En 23 ans, je n’ai vu que trois cas de morsure avérée », témoigne Christine Rollard, qui regrette que les médecins eux-mêmes accusent trop vite les araignées devant l’apparition de boutons rouges ou de démangeaisons. « Nous sommes bien trop grands pour être des proies : la majorité des araignées ne peuvent pas nous mordre », s’amuse-t-elle, en se gardant toutefois de juger l’arachnophobie. Devant cette peur irraisonnée, la chercheuse prend parfois le temps de répondre aux SOS « Certaines personnes ont parfois du mal à entrer dans mon bureau », rempli de bocaux, dessins et araignées en plastiques. « Je ne leur dis pas qu’il y a aussi des araignées vivantes », saisies et confiées, la plupart du temps, par les douanes. Et la docteur en sciences a souvent plus de résultat que les psychologues. Preuve est faite que la connaissance éclaire les chemins les plus obscurs.
* Du 5 octobre au 2 juillet, Grande Galerie de l’Évolution du Museum (Paris-V), de 10 à 18 heures, tous les jours sauf le mardi (tél. 01.40.79.56.01, araignees.mnhn.fr).
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