Après un bras de fer de plusieurs mois avec l’Ordre des médecins et la CPAM des Ardennes, le Dr Guy Gervy entrevoit le bout du tunnel. Radié puis déconventionné en avril 2016, le généraliste a depuis obtenu l’annulation de ces deux décisions.
Au mois de juin, il était réintégré au tableau de l’Ordre du conseil départemental des Ardennes qui l’avait « sauvagement » radié, selon les propos de son avocat. Le 13 septembre dernier, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières lui donnait raison contre la caisse primaire d’assurance-maladie des Ardennes qui refusait de le reconventionner.
Soulagé par cette décision, le Dr Gervy confie au « Quotidien » avoir eu l’impression de « sortir de prison ». « On a essayé de me tuer administrativement », dit-il, amer, avec l’espoir de reprendre une activité professionnelle normale.
Un conflit sur les gardes
Comment en est-il arrivé là ? L’histoire de ce médecin belge, au cœur d’un imbroglio administratif, n’est pas banale. Inscrit au tableau depuis 2001, installé depuis 2002 en France, à Gespunsart (Ardennes), le Dr Gervy décide fin 2015 de fermer son cabinet et de s’installer à 25 km, de l’autre côté de la frontière franco-belge, à Bouillon, tout en continuant à suivre sa patientèle française.
« J’étais en conflit avec l’Ordre sur les gardes. Je n’étais pas volontaire et cela ne leur plaisait pas » résume le généraliste. Las de ces querelles, et désireux de se « mettre à l’abri », le médecin informe début avril ses instances de sa décision de déménager le 1er mai 2016.
Coup de théâtre. Quelques jours avant ce départ, il reçoit un courrier du conseil départemental l’informant de sa radiation au motif qu’il ne dispose plus d’une adresse professionnelle en France. Peu après, la CPAM l’informe de son déconventionnement. Du jour au lendemain, le généraliste ne peut plus prendre en charge ses patients, dont certains sont dans des situations délicates.
Le conseil départemental désavoué
Le Dr Gervy tombe de haut. Il affirme que personne ne l’avait informé clairement de ce scénario. Il décide alors d’en appeler au Conseil national de l’Ordre des médecins qui le renvoie devant le Conseil régional.
Ce dernier examine le recours du praticien belge. Le 14 juin, il annule la décision du conseil départemental. Motif : le Dr Gervy n’a pas été invité à s’expliquer devant les instances avant sa radiation, comme le prévoit le code de la santé publique. Le régional donne également raison au généraliste sur le fond : « Un médecin peut être inscrit au tableau du conseil départemental dans le ressort duquel il dispose d’une adresse personnelle », ce qui est le cas du praticien.
Le feuilleton n’est pas pour autant terminé. La CPAM des Ardennes maintient le déconventionnement du Dr Gervy… et envoie un courrier à ses malades les invitant à choisir un nouveau médecin traitant. Au praticien belge, elle propose de signer un accord « prestataire de service » qui permettrait à ses patients français de le désigner comme médecin traitant.
Guy Gervy ne lâche pas. Il demande son re-conventionnement et assigne en justice la CPAM des Ardennes le 29 juillet. Le verdict tombe le 13 septembre. Le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières condamne la caisse et lui demande de procéder au conventionnement du Dr Gervy dans les dix jours. Dans son ordonnance de référé, que « le Quotidien » s'est procuré, le juge relève qu’il n’est pas démontré qu’il « faille avoir un cabinet médical sur le territoire français » pour bénéficier d’un conventionnement, alors que la Sécu en faisait son argument principal. Interrogée sur ce point, la CNAM n'a pas été en mesure de fournir plus de précisions.
Les patients, les grands perdants
Le combat du Dr Gervy contre ce qu’il appelle un « acharnement administratif » n’est pas pour autant terminé. Le 4 octobre, il devra de nouveau s’expliquer devant le Conseil national de l’Ordre, le conseil départemental ayant fait appel de la décision du régional. Contactée par « le Quotidien », la CPAM affirme qu’elle va faire appel de la décision du TGI. Ces derniers jours, de nouveaux courriers (voir ci-dessous) sont envoyés aux patients du généraliste belge, laissant entendre que son conventionnement serait provisoire, et pourrait être remis en cause par la nouvelle convention, signée en août dernier. La caisse les informe également qu'en raison d'« impossibilités techniques », il ne pourra pas être fait usage de la carte vitale.
Après cinq mois de démêlés administratifs, les 1 500 patients du Dr Gervy sont donc les grands perdants de cette affaire. Ils ont perdu leur médecin traitant dans une région qui manque cruellement de praticiens.
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